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"Je suis un pays", le théâtre explosif de Vincent Macaigne

La troupe du spectacle "Je suis un pays" de Vincent Macaigne. [vidy.ch - Mathilda Olmi]
Spectacle: "Je suis un pays" de Vincent Macaigne / Vertigo / 6 min. / le 18 septembre 2017
Installé à Vidy-Lausanne avec sa troupe, Vincent Macaigne propose un spectacle tornade de plus de deux heures. Il y est question de Dieu, de son fils, de notre avenir et de notre capacité à changer le monde.

Ces jours-ci, Vidy-Lausanne ressemble plus à un club de rock qu’à un théâtre. Avec un joyeux chaos et un public qui se presse à cette troisième création de Vincent Macaigne en Suisse. Après "Idiot! parce que nous aurions dû nous aimer" (2014) et "En manque" (2016), le metteur en scène revisite un texte de jeunesse qui tient de la science-fiction politique, romantique et théologique.

Des humains paumés

Pour le fond, "Je suis un pays" parle d’amour, de Dieu, de Marie, d’écologie, de politique, de jeunesse et d’avenir. Pour la forme, ce spectacle discret comme les chutes du Niagara tient à la fois de la boum, de la performance, du meeting, de l’opéra, du show télévisuel et du film d’épouvante. L’expérience est forte, les tampons auriculaires sont recommandés à l’entrée et le public emballé ou interloqué devant une telle déferlante visuelle, textuelle et musicale.

Monde dominé par les multinationales

Pas cool dans son déguisement de Superman trempé de liquides divers, Marie a planqué son fils le prophète et commet des attentats contre son grand frère le Gouverneur Igor. Les humains dépeints par Vincent Macaigne sont perdus, paumés, largués dans un monde dominé par les multinationales et un système électoral qui tient de la téléréalité.

Deux lueurs d’espoir dans ce chaos de sang, de mousse, de terre et de flotte: l’amour, vociféré par des comédiens qui possèdent une énergie punk et cette bière - bienvenue – que le public pourra siffler sur scène avec des comédiens épuisés comme des marathoniens au quarante-deuxième kilomètre.

Un bain d’énergie électrique

Sur scène, on se croirait dans une salle d’assemblée de l’ONU décorée par le Docteur Mabuse. Aux sièges et autres drapeaux nationaux répondent des têtes d’animaux empaillés et des faux fœtus dans des bocaux de formol.

En fond de scène, d’autres gradins accueilleront en fin de pièce, les mystérieux figurants-spectateurs déguisés en employés de centrale atomique venus voir un autre spectacle signé Macaigne, "Voilà ce que jamais je ne te dirai", lequel s’insère dans la pièce "Je suis un pays" comme un effet miroir. Le procédé théâtral est aussi complexe qu’inédit.

Pièce ouragan

Il y a du Méliès chez Vincent Macaigne: un esprit aussi pionnier que bateleur et bricoleur. Imaginez la rencontre entre Benjamin Castaldi, le Grand Inquisiteur, Jean-Luc Mélenchon, Dieu et quelques zombies en (grosse) colère et vous aurez une petite idée de ce qui vous attend dans "Je suis un pays".

Cette pièce est un ouragan. Avec quelques trous d’air textuels, des éclairs de génie absolu, des instants d’accalmie scénographique et un souffle formidable. Ce n’est pas le moindre des exploits de Vincent Macaigne et de sa troupe: avec "Je suis un pays", le théâtre s’offre un bain d’énergie électrique qui rappelle les plus excitants des concerts de rock.

Thierry Sartoretti/aq

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