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"Mesure pour mesure", Shakespeare sous vidéo-surveillance

Visuel pour la pièce "Mesure pour mesure" de Karim Bel Kacem. [facebook.com/theatredevidy]
Théâtre: "Mesure pour mesure" de Karim Bel Kacem / Culture au point / 7 min. / le 20 janvier 2017
Au Théâtre de Vidy puis en tournée romande, le metteur en scène Karim Bel Kacem transporte une pièce tragico-comique du maître anglais à notre époque d’état d’urgence, de patriot act et de surveillance vidéo généralisée. Une expérience sombre et singulière où se mêlent théâtre et cinéma.

Pour apprécier "Mesure sur mesure", le public doit d'abord choisir son camp: celui du pouvoir ou celui des opprimés. Les spectateurs optent dès lors pour un gradin avec vue sur un bureau présidentiel ou la vision d’une vieille salle d'hôpital transformée en chambre de torture. Ces deux lieux forment une sorte de cube, un lieu clos à la manière de l’émission de téléréalité Le Loft.

Apprécier le spectacle avec un casque d'écoute

Chaque spectateur voit l’autre partie grâce à un jeu de vitres et de caméras de surveillance. Les comédiens prennent place dans ce cube et les spectateurs suivent le spectacle avec des casques d’écoute qui leur permettent d’écouter les dialogues, mais aussi des musiques, des bruitages et même les pensées des protagonistes de "Mesure pour mesure".

Pouvoir et raison d'État

Les équilibres sonores de ce spectacle qui mélangent théâtre et cinéma sont parfois encore fragiles, mais tout le mérite de ce "Mesure pour mesure" est de nous rappeler combien Shakespeare avait parfaitement analysé la nature ambigüe du pouvoir et de la raison d’État. A l'époque du dramaturge anglais, la pièce faisait référence à un épisode historique: l’interdiction des bordels londoniens en 1603 par le roi Jacques qui les accusait d’être responsables de la propagation de la peste qui avait tué 30'000 de ses sujets.

"Mesure pour mesure" est à découvrir au Théâtre de Vidy-Lausanne jusqu’au 26 janvier 2017, à Genève au Théâtre du Grütli du 21 au 24 février puis à Neuchâtel au Théâtre du Passage du 9 au 12 mars.

Thierry Sartoretti/mh

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"Mesure pour mesure", une histoire d’abus de pouvoir et de chantage abject

Dans "Mesure pour Mesure" de William Shakespeare, un Duc, sorte d’autocrate éclairé, règne sur Vienne. Il annonce son désir de partir en voyage et il confie sa charge à l’irréprochable et très moral fonctionnaire Orlando. Sitôt nommé régent, Orlando applique les moindres lois avec une poigne de fer, condamnant à mort le jeune Claudio pour acte de fornication avec une femme célibataire.

Mais le Duc n’est pas parti: déguisé en moine, il observe tout, écoute les commentaires et découvre que son régent ne suit pas les lois qu’il impose aux autres. Pire, Orlando fait chanter la jeune sœur de Claudio, une vertueuse qui se destine au couvent: Claudio pourrait avoir la vie sauve si elle veut bien coucher avec le régent. La jeune fille résiste et le Duc veille. Ou plutôt ses caméras dans cette version moderne de Karim Bel Kacem.

Acteur connu également par le cinéma, Yann Collette excelle dans le rôle de ce Duc manipulateur alors que Thibaut Evrard, aperçu récemment en bête de scène dans la pièce "En Manque" de Vincent Macaigne, campe un régent glaçant de dureté et d’hypocrisie. On notera aussi la performance à fleur de peau de la bonne sœur, incarnée par Anne-Clotilde Rampon qui se jette contre les vitres du parloir de la salle des supplices.