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"Velvet", la métaphore de la vie en mieux signée Philippe Saire

Première ce soir à Lausanne de "Velvet", la nouvelle création du chorégraphe Philippe Saire
Première ce soir à Lausanne de "Velvet", la nouvelle création du chorégraphe Philippe Saire / 19h30 / 2 min. / le 10 novembre 2022
La nouvelle création du chorégraphe Philippe Saire, "Velvet", est centrée sur le pouvoir évocateur du rideau. Il s’agit du sixième volet de sa série "Dispositifs", destinée à converger chorégraphies et arts visuels. À voir jusqu’au 20 novembre au Théâtre Sévelin 36 à Lausanne.

Sur scène, trois personnes sont confrontées aux aléas du décor. Les rideaux se ferment, s’ouvrent, changent d’apparence, de texture, prennent vie. Tombés de nulle part, les personnages interprétés par Yann Philipona, David Zagari et Géraldine Chollet vont devoir s’adapter.

Le rideau, un élément-clé du spectacle

Le point de départ du spectacle "Velvet", dont le titre fait écho au tissu habituel des rideaux dans les salles de spectacle, est... le rideau. Philippe Saire se souvient de la naissance de l’idée: "J’aime beaucoup les tissus. Lorsque je suis à Paris, je vais régulièrement au marché Saint-Pierre et j’en ramène. Tout à coup, l’idée m’est venue: un dispositif pourrait être une sorte de multiplication inhabituelle de l’un des éléments basiques de la scène, le rideau. L’idée s’est ensuite développée. Ce n’était plus seulement de simples rideaux de scène", confie-t-il à la RTS.

Un extrait du spectacle de a Cie Philippe Saire "Velvet" [Cie Philippe Saire - Philippe Weissbrodt Lores]
Un extrait du spectacle de a Cie Philippe Saire "Velvet" [Cie Philippe Saire - Philippe Weissbrodt Lores]

Instabilité et adaptation

Derrière ces rideaux et leur pouvoir évocateur, trois interprètes aux profils différents se partagent la scène. Yann Philipona est comédien, David Zagari est danseur et Géraldine Chollet danse et chante. "J’ai travaillé sur les personnages, ou les figures, poursuit Philippe Saire. Elles sont parachutées dans un univers dystopique qui change constamment. Ces figures doivent donc s’adapter en permanence à un nouveau contexte, un nouveau fond, un nouveau rideau."

Un spectacle qui fait écho à la vie? "Je crois qu'à chaque fois que je parle d’un spectacle, je le lie à notre condition humaine!", conclut le chorégraphe.

Sujet TV: Julie Evard

Adaptation web: Myriam Semaani

"Velvet", à voir jusqu’au 20 novembre 2022 au théâtre de Sévelin 36 à Lausanne, puis le 13 décembre au théâtre Benno Besson à Yverdon et les 30 et 31 mars 2023 à Genève.

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Avec "Velvet", la danse joue sur du velours

Vous pouvez tenter la mise en scène chez vous. Prenez un grand drap blanc ou un rideau. Posez-le sur le parquet ou contre un mur. Disposez une lumière adéquate et agitez le tissu. Vous obtiendrez la mer, ses vagues et son souffle immense.

Sur la scène lausannoise de Sévelin 36, surgit Yann Philippona, comédien, danseur et ici navigateur d’une mer chimérique. Les voiles s’agitent, il déclame Victor Hugo: "Oh! Combien de marins, combien de capitaines/Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines/Dans ce morne horizon se sont évanouis!/Combien ont disparu, dure et triste fortune!/Dans une mer sans fond par une nuit sans lune/Sous l’aveugle océan à jamais enfouis."

Le spectacle "Velvet" commence à peine et nous baignons dans les flots de tissus. Sous toutes ses formes et dans le vocabulaire des arts de la scène, cela donne pendrillon quand le rideau est étroit et abrite les coulisses, à l’allemande quand il s’élève verticalement en guillotine, brechtien quand il glisse horizontalement sur un fil tendu, à genou quand il est affaissé sur le sol.

Des rideaux, il y en a profusion dans "Velvet". Bleu nuit pailleté, rouge cramoisi, blanc, bleu céruléen, doré, transparent et dans toutes les matières que Saire préfère. Ils passent et repassent, défilent, montent subitement, tombent d’un coup et sont autant de possibilités de jeu de cache-cache, voire de costumes pour les trois interprètes. Ou plutôt quatre, la scénographie étant ici un personnage à part entière, bien vivant sous les mains d’un technicien de scène devenu matelot dirigeant ce ballet de voilures.

Au final, "Velvet" bondit entre le divertissement pur et les tensions plus dramatiques. C’est un jeu sur le caché, le révélé, le visible, l’invisible, le jour et la nuit. A la fois spectacle de danse et numéro d’illusionniste minutieusement orchestré. Du velours très classe.

Thierry Sartoretti