Publié

Six comédiennes mettent des coups de balai au Théâtre du Loup

Une photo de l'équipe du spectacle "Malgré qu'on me traite comme de la merde je suis quand même gentille". [Théâtre du Loup - Isabelle Meister]
"Malgré quʹon me traite comme de la merde, je suis quand même gentille" / Vertigo / 7 min. / le 6 octobre 2022
Jusqu'au 16 octobre, le metteur en scène Jérôme Richer présente à Genève "Malgré qu'on me traite comme de la merde, je suis quand même gentille". Six comédiennes à bloc racontent une grève et les conditions de travail des femmes de ménage et autres nettoyeuses.

Elles sont six femmes sur le plateau du Théâtre du Loup. Parce que dans ce métier, simple nettoyeuse, on trouve pratiquement que des femmes travailleuses à temps partiel. "Au-dessus, à la direction, ce sont toujours des hommes. Comme sur les machines d'ailleurs."

Elles sont six comédiennes - Donatienne Amann, Fanny Brunet, Camille Figuereo, Julia Portier, Jacqueline Ricciardi et Thaïs Venetz - à jouer sans décors et presque sans accessoires. Parce que dans cette histoire de grève, "quand on est dans la rue pour protester, on a pour ainsi dire rien sauf sa voix et sa colère."

Les voici donc en pétard. Elles ne prennent pas de gants pour prendre la parole. Elles en enfilent dès qu'il s'agit de bosser. Les produits de nettoyage sont rarement bons pour la peau.

Une grève théâtralisée

La pièce porte un titre à rallonge. Une réplique quasi théâtrale happée au vol à la caisse d'un supermarché par le metteur en scène et dramaturge genevois Jérôme Richer: "Malgré qu'on me traite comme de la merde, je suis quand même gentille". Sur scène ça claque, ça pulse, ça chante et ça gueule comme dans un piquet de grève. On danse sur "Résiste" de France Gall. Il y a toujours une chanson de variété pour vous donner du courage. Cette grève théâtralisée a eu lieu pour de vrai, en 2019 dans le centre-ville de Genève.

Les faits à l’époque: une banque, l’UBP, résilie le contrat qui la lie à la société de nettoyage Orgapropre, pour lui préférer un concurrent meilleur marché. Du coup, la société prestataire éconduite de licencier ses nettoyeuses et nettoyeurs faute de pouvoir les employer. L'impitoyable loi du marché où celui qui paie commande?

Quelques semaines avant l'annonce de licenciement, la société de nettoyage avait fait signer à son personnel un nouveau contrat contenant une clause les empêchant de postuler pour un travail similaire chez un concurrent. Pénalité: 30'000 francs. Alerté, le syndicat SIT organise une grève devant les locaux de la banque à quelques jours du licenciement prévu. Les futurs licencié-e-s finissent par avoir gain de cause, obtenant reclassement et indemnités.

Précarité et discrétion

Pour Jérôme Richer, ce cas particulier, est emblématique d'une profession où la précarité et la discrétion sont la règle. Rappelez-vous les files d'attente devant les centres de distribution de nourriture en plein semi-confinement covidien en 2020. On découvrait stupéfait l'armée invisible des femmes de ménage, avec ou sans papier, étrangères la plupart du temps, qui avaient perdu tout moyen d'assurer leur subsistance.

"Malgré qu'on me traite comme de la merde, je suis quand même gentille" tient à la fois du théâtre documentaire (reconstitution précise des faits) et du militantisme assumé. Au-delà du public des aficionados de théâtre, ce spectacle s'adresse autant à celles et ceux qui emploient des femmes de ménage et aux professionnelles concernées. Côté plateau, les comédiennes parlent ainsi de leurs propres expériences, cela va de la gêne à avouer que l'on a engagé une employée au noir à la gêne d'avoir eu des parents dans ce métier.

Côté public, le Théâtre du Loup attend des nettoyeuses et autres femmes de ménage invitées par un syndicat. Et dans le cadre de la Fête du Théâtre, on y lira aussi un texte masculin, "Putzman", d'après le journal d'un nettoyeur des HUGE.

Thierry Sartoretti/ld

"Malgré qu'on me traite comme de la merde, je suis quand même gentille", Théâtre du Loup, Genève, jusqu'au 16 octobre. Lecture de "Putzman", dimanche 9 octobre par le comédien Pierre Banderet.

Publié