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"The Glass Room", du théâtre au cœur de la crise Iran-USA

"The Glass Room", une pièce mise en scène par Leili Yahr. [DR - Sebastien Monachon]
The Glass Room / Vertigo / 6 min. / le 8 mars 2022
Mis en scène par Leili Yahr, le spectacle "The Glass Room" raconte l’assaut de l’ambassade américaine de Téhéran en 1979 et les relations tumultueuses entre Américains et Iraniens. Eclairant. A voir actuellement en Suisse romande.

Nous sommes le 4 novembre 1979. 400 étudiants iraniens prennent d’assaut l’ambassade américaine à Téhéran. Les diplomates deviennent otages. Les assaillants réclament le retour du Shah, dictateur déchu, afin qu’il soit jugé dans son pays. La révolution islamiste triomphe et son guide suprême, l’ayatollah Khomeini humilie les Etats-Unis, désormais le "Grand Satan".

Depuis, sept présidents américains se sont succédés. Khomeini n’est plus de ce monde. Et ces deux pays ne sont toujours pas réconciliés.

La politique est un spectacle

Plongeons maintenant au cœur de la "Glass Room". On dit de la politique qu’elle est un spectacle. Et bien voici un spectacle sur la politique. Cette pièce de théâtre imaginée par Leili Yahr nous raconte la prise des otages et entend nous éclairer sur les relations tumultueuses entre ce pays d’Orient et l’Occident.

"The Glass Room", c’est le titre de la pièce, c’est aussi un véritable lieu, sorte d’espace sécurisé en verre et en métal, au cœur de l’ambassade américaine. Impossible d’y entendre les conversations, les micros ne traversent pas cette espèce de cage de Faraday construite entre plancher et plafond. C’est là que se sont fomentés les complots de la CIA contre le gouvernement iranien dans les années 1950, autant de micmacs pour mettre la main sur le pétrole iranien. Aujourd’hui, l’espace est un musée au sein de l’ancienne ambassade de Téhéran.

"La 'Glass Room' peut aussi se voir de manière métaphorique", explique la metteuse en scène. C’est l’entier du peuple iranien qui se trouve sous cloche avec les sanctions américaines d’un côté et un gouvernement autoritaire de l’autre. Au milieu, on trouve… la Suisse. Depuis quarante ans, notre pays assure les bons offices entre ces deux puissances qui refusent de se parler directement. Un rôle de médiation avec des tâches de postier. Le courrier iranien pour les Etats-Unis transite par l’ambassade suisse de Téhéran, passe par Berne, remonte à l’ambassade suisse de Washington pour arriver à la Maison-Blanche. "The Glass Room" nous raconte aussi ce ballet diplomatique.

Spectacle "The Glass Room" mis en scène par Leili Yahr. [DR - Sebastien Monachon]

Drame et humour

Sur scène, Diane Muller (aussi à l’écriture du spectacle), Simon Labarrière et Roland Gervet sont d’admirables conteurs. Les costumes valsent selon les rôles: tchador ou tiare, complet-veston ou pyjama. "The Glass Room" manie le drame et l’humour, le documentaire et la fiction, le huis clos théâtral et le cabaret satirique avec accents fédéraux. Les images projetées sont issues d’archives télévisées ou proviennent des rushes du film "Ambassade" du réalisateur Daniel Wyss avec qui Leili Yahr a collaboré en 2019. Les textes puisent parfois leur référence dans l’excellente BD en trois volumes "Les meilleurs ennemis" de Jean-Pierre Filiu et David B., sous-titrée "Une histoire des relations entre les Etats-Unis et le Moyen-Orient".

On sort éclairé de ce spectacle à l’ironie non partisane et néanmoins engagée. Engagée pour quoi? Pour qu’un peuple entier puisse enfin vivre dans une certaine liberté et prospérité.

Comment se fait-il que le théâtre romand s’intéresse aujourd’hui à pareil sujet? La réponse est dans la carte d’identité de la metteuse en scène. Papa est américain, maman iranienne et sa naissance se situe pile au temps de la crise des otages dans ce Valais qui a vu naître la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, laquelle fit sensation avec son voile blanc lors d’une visite officielle à Téhéran.

Oui, "The Glass Room" c’est un peu, aussi, l’histoire de Leili Yahr. Et on lui souhaite une fin heureuse.

Thierry Sartoretti/aq

"The Glass Room", à voir à Nuithonie, Villars-sur-Glâne le 9 mars, puis à Genève, Théâtre du Loup du 16 au 20 mars.

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