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"Tout le plaisir est pour moi", théâtre sensuel et sexuel au féminin

"Tout le plaisir est pour moi", dans une mise en scène de Manon Krüttli. [Théâtre du Loup - Magali Dougados]
Tout le plaisir est pour moi / Vertigo / 5 min. / le 3 juin 2021
Dans "Tout le plaisir est pour moi", mis en scène par Manon Krüttli au Théâtre du Loup à Genève, quatre comédiennes parlent de ça et rien que de ça: le sexe et le plaisir féminin. Un spectacle malicieux à découvrir jusqu’au 17 juin.

Embrassons d’abord la scène du regard: une forêt de barbes à papa roses. Avec collines et vallées. Au centre, une sorte de salon aux airs de vulve géante. Les barbes vibrent, frémissent. Leurs couleurs changent sous les éclairages, semblent danser au son d’une guitare électrique féline et mutine. C’est sensuel, gourmand, psychédélique, très pop. Apparaissent quatre femmes avec des tenues dignes de Barbarella. Voici des héroïnes dont les tenues évoquent elles aussi des attributs du sexe féminin. Quatre Amazones du Mont de Vénus à la conversation leste et décomplexée.

Le sexe à quatre mains

Et même plus. Dans ce spectacle, de nombreuses mains font plein de choses… Au départ, on trouve les conversations, souvenirs et réflexions des quatre comédiennes. Quatre femmes hétéros, avec ou sans enfants, la trentaine passée: Céline Bolomey, Rachel Gordy, Patricia Mollet-Mercier et Alexandra Tiedemann. N’oublions pas une cinquième, Caroline Cons, elle aussi membre de cette joyeuse compagnie Oh Oui! à l’origine de cette voluptueuse création. Elles s’étaient toutes rencontrées sur un précédent spectacle qui parlait d’amour au féminin.

Fortes et enthousiasmées par ce "Femmes amoureuses" au souffle romantique, écrit par l’autrice Mélanie Chappuis, les comédiennes ont voulu poursuivre leurs explorations.

"Tout le plaisir est pour moi", dans une mise en scène de Manon Krüttli. [Théâtre du Loup - Magali Dougados]
"Tout le plaisir est pour moi", dans une mise en scène de Manon Krüttli. [Théâtre du Loup - Magali Dougados]

Cap sur la sexualité. Leur sexualité. Un territoire certes plus vierge, mais pas tellement plus connu pour autant. Faut-il rappeler que l’on a dû attendre 1998 et les travaux de l’urologue australienne Helen O’Connell pour avoir la première description anatomique complète d’un clitoris! Et c’est en 2017 (sic) que le-dit clitoris apparaît enfin dans un manuel scolaire alors que le sexe masculin est détaillé depuis des lustres dans la moindre planche anatomique. Une séance de rattrapage s’imposait! Y compris au théâtre.

Sans fard et sans tabou

Un spectacle n’est pas un manuel. Encore moins une conversation, fut-elle licencieuse, libertine ou tout simplement sans fard et sans tabou. Sollicitée par les comédiennes, l’autrice Julie Gilbert apporte sa plume et ses points de vue militants. La metteuse en scène Manon Krüttli orchestre le tout. Les paroles sont ainsi partagées, mélangées.

On ne saura donc pas qui a vécu quoi et à qui appartient tel ou tel fantasme. En plus, "Tout le plaisir est pour moi" emprunte quelques textes fameux: "Venus Erotica" d’Anaïs Nin, "Pas dans le cul aujourd'hui" de Jana Černá ou encore le film "Vénus, confession à nu".

La reconquête de son corps

Verdict au sortir de ce champ de barbes à papa vibrionnantes? Pari réussi! C’est drôle, souvent doux, parfois très cru, toujours cash. On sent la jouissance (il n’y a pas meilleur mot) de ces quatre comédiennes à porter et incarner cette parole féminine et féministe. Car il s’agit aussi-là de la reconquête de son corps, de ses désirs et du langage inventé pour décrire le tout.

"Tout le plaisir est pour moi" comprend aussi des chorégraphies plutôt malicieuses. Ce n’est toutefois pas le plus édifiant de ce spectacle. L’essentiel se dit et se lit sur les lèvres. Celles du haut comme celles du bas.

Thierry Sartoretti/mh

"Tout le plaisir est pour moi", Théâtre du Loup, Genève, jusqu'au 17 juin.

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