C'est Justin Peck, directeur artistique et chorégraphe résident de la troupe qui a eu l'idée de contacter Sofia Coppola pour la réalisation de ce film, censé surprendre sur pellicule le retour sur la scène du David H.Koch Theatre des danseurs et danseuses du New York City Ballet (NYCB).
La réalisatrice a accepté tout de suite de réaliser ce film d'environ 25 minutes et a pris dans son équipe le directeur de photographie français Philippe Le Sourd, nommé par l'académie des Oscars pour son travail sur "The Grandmaster" de Wong Kar-wai.
Au final, le film donne à voir vingt-cinq minutes de prouesses artistiques, parmi lesquelles "Solo" du chorégraphe Justin Peck pour le principal (équivalent de danseur étoile) Anthony Huxley, une première mondiale sur l’Adagio pour cordes de Samuel Barber.
Le répertoire du NYCB est aussi mis à l'honneur avec un extrait du "Divertimento No. 15" de l'incontournable George Balanchine, fondateur de cette vénérable institution de la danse américaine.
Faire sentir l'esprit vivant de la danse
L’approche de Sofia Coppola est intuitive, elle n'a jamais filmé de la danse. "Mon style de tournage est plutôt statique", explique Sofia Coppola dans une interview au New York Times. "Alors, pour faire quelque chose où il y a autant de mouvement, je devais penser à utiliser la caméra différemment", dit-elle. Effectivement, sa caméra n’est ni trop éloignée, ni trop proche des danseuses et danseurs et décrit des mouvements de travelling très fluides, sans jamais "écraser" les danseurs et les danseuses.
Plutôt novice dans ce type d'exercice, la cinéaste américaine sait pourtant raconter des histoires et c'est ce qu'elle fait. Elle reconstitue, en filigrane, l’histoire d’une création. Elle nous fait voyager à travers le David H.Koch Theatre, maison de la compagnie, du studio de répétitions en passant par l'auditorium, les coulisses et pour finir la scène elle-même. Le film débute par des séquences en noir et blanc et finit en couleurs, une manière subtile de sublimer en images le réveil du printemps.
Le retour sur scène
Le début du film nous place dans un univers extrêmement dépouillé. Un seul danseur, Gonzalo Garcia, dans un studio. Il se tient dans l'embrasure de la porte, laisse tomber son sac à dos et fait des pas - simples et sans manières - sur la musique de Frédéric Chopin.
Le solo, tiré de "Dances at a Gathering" de Jerome Robbins, est méditatif et les mouvements sont contenus. Petit à petit, l'énergie du danseur s'exprime d'une manière plus insistante, alors qu'il balaie l'espace dans de grands jetés. Un corps revient à la vie et s'épanouit dans l'énergie du mouvement qui a tant manqué à la troupe américaine, à l'arrêt depuis une année.
L'ombre de Balanchine
Un des moments forts du film est le "Divertimento no. 15" de George Balanchine, extrait qui reflète parfaitement l'expression même du style néo-classique du chorégraphe. On se régale avec la fabuleuse technique des danseurs américains, leurs mouvements athlétiques, leur virtuosité et la pureté des lignes, telle qu’elle avait été imaginée par Balanchine. Il aimait dire que chaque spectateur devrait pouvoir "voir la musique et écouter la danse".
Cette dernière partie sur scène, filmée en couleurs, propose des plans larges entrecoupés d'angles plus rapprochés et montre de nouvelles manières de cadrer le ballet. Sofia Coppola a réussi à capter le sentiment de la danse, l'essence du mouvement. Et surtout la joie de retrouver les sensations de la scène après une année de pandémie.
Miruna Coca-Cozma
Le BBL revient aussi sur scène
Après huit mois de fermeture, Gil Roman et Béjart Ballet Lausanne peuvent à nouveau accueillir le public dans leur espace-théâtre équipé d’un gradin, avec une première prévue le jeudi 20 mai. Seules 35 personnes pourront prendre place dans le gradin de 110 sièges, aménagé au cœur du studio principal du BBL.
Gil Roman avait imaginé la salle du Plan_B avant la pandémie pour permettre au public de découvrir le travail de la compagnie. À peine inauguré en septembre dernier, cet espace avait dû refermer ses portes en raison des mesures de lutte contre le Covid-19.
Même limitée, cette réouverture est accueillie avec soulagement par la troupe. "Ce qu'il nous faut, même avec une jauge réduite, c'est jouer devant un public" explique Gil Roman. Et de souligner: "C'est très difficile de maintenir le moral des danseurs, quand les entraînements ne mènent à rien". La fatigue mentale, c'est le plus dur."
Des représentations sont prévues jeudi 20, les vendredis 21 et 28 mai à 18 heures ainsi que les samedis 22 et 29 mai à 16h00.