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"This is not a love song", l'hymne à l'amour de Lola Giouse

Rendez-vous culture avec la comédienne Lola Giouse
Rendez-vous culture avec la comédienne Lola Giouse / 12h45 / 10 min. / le 6 octobre 2020
Au Théâtre de Saint-Gervais à Genève, un couple joue "This is not a love song" en extérieur, par tous les temps. Il est question de sexe, de désir, de présent, d'après et ça fait du bien.

Ils baisent, ils baisent et ils rebaisent. Ah, ça y va! Les voisins n'en peuvent plus. Eux en redemandent et se moquent du monde. C'est la première fois, vous comprenez. Pas la toute première fois, mais leur première fois, ensemble, pour Géraldine et Simon. Le passé ne compte plus, le futur n'existe pas. Seul compte ce présent, énorme, hyper méga giga énorme, d'une attraction et d'une fusion folle. Les voici qui remettent ça. Avec toute la conviction de leur désir. Et pour le coup, des voisins, des vrais pas des comédiens, n'en peuvent plus aussi. Rue du Temple, à proximité, un habitant gueule et ferme ses fenêtres.

Nous voici, spectatrices et spectateurs, sur la terrasse du Théâtre Saint-Gervais. Quelques arbres, une ébauche de parc et des chaises trempées. Il pleut des cordes. Le public a reçu des pèlerines. Pas nos deux amoureux bénis par Eros. Ils sont là, sous la flotte, trempés, à raconter, déclarer, déclamer, avouer, s'avouer, se provoquer, se chercher, en se moquant du ciel qui leur tombe sur la tête, touchants, drôles, piteux, taquins, pathétiques aussi. Ce couple à la scène, ce sont la comédienne Géraldine Dupla et le comédien Simon Hildebrand.

Témoins voyeurs plutôt hilares, nous baignons – c'est le cas de le dire, ce soir-là la pluie redouble – dans "This is not a love song", première mise en scène d'une comédienne romande qui aime l'intensité, Lola Giouse.

Une exploration du désir

Il y a comme ça des pièces de théâtre électriques. Elles ont la force et la jubilation d'un (bon) concert de rock. Une décharge à la fois canaille et joyeuse. On lâche les chiens, on danse sous la pluie et on donne tout. Si ce n'est pas une "love song" (titre emprunté au groupe post-punk Public Image qui l'a lui-même chipé au peintre Magritte et sa pipe qui n'en est pas une,) alors qu'est-ce que c'est? Une tentative d'approcher l'incandescence d'une nuit d'amour réussie, immédiatement suivie par un doute immense: comment continuer? C'est l'amour, le grand? Et après ça sera comment? Si on le répète encore et encore, ça va devenir du quotidien, de la routine?

Hasard des programmations théâtrales, dans un autre théâtre genevois, dans une autre pièce, au même instant, une comédienne a ces mots: "Là, j'aurais voulu qu'il m'étrangle. Parce que tout ce qui suivra sera forcément moins bien…" Sacré cynisme. Il n'y en a pourtant pas dans "This is not a love song". Du rire oui, mais un rire franc, affamé, les hormones au septième ciel.

La metteuse en scène Lola Giouse explore les pulsions, les expressions du désir, la difficulté à nommer ce qui nous dépasse et envisager la suite. "This is not a love song" est donc un titre menteur ou plutôt cachotier. Cette pièce est une déclaration d'amour à l'amour et au désir. Tant pis pour les voisins du Théâtre Saint-Gervais. Géraldine et Simon remettent ça de plus belle. Et les autres n'ont qu'à se boucher les oreilles. Ou à s'y mettre aussi.

Thiery Sartoretti/ld

"This is not a love song", Théâtre de Saint-Gervais, Genève, jusqu'au 13 octobre.

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