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Avec "Vous êtes ici", le théâtre genevois lance sa série

"Vous êtes ici". [vousetesici.ch - Christian Lutz]
Vous êtes ici, une série au théâtre / Vertigo / 5 min. / le 17 septembre 2020
Que faire au lendemain d’une catastrophe ? En dix épisodes, autant de personnages et des heures de jeu distillées chaque mois, "Vous êtes ici" est la saga théâtrale genevoise de l’année. Un pari formidable qui naît dans les étincelles.

Catastrophe. Genève s’est partiellement effondrée. Deux failles béantes coupent la ville et on craint une réplique, un troisième effondrement. Dans cet immeuble encore debout, les habitants doivent apprendre à vivre autrement, à s’inventer un avenir commun. Pas facile de trouver l’équilibre dans ce déséquilibre.

Nous voici dans la buanderie de l’immeuble devenue par défaut agora du bâtiment. Il y a là Sandro, Ada, Mada, Miguel, Arbalète, Zacharie, Alice et Lukas. Une partie des locataires. Un mélange parfois explosif parfois complice entre de jeunes alternatifs provocants, un concierge espagnol un peu réac, un couple de petits-bourgeois en crise, un gauchiste italien millésimé et des amants érotomanes luso-kosovars. Ce petit monde se cherche, s’engueule, ébauche des solutions, tente de comprendre le fonctionnement des machines à laver. Voici, ébauché sommairement, l’épisode 1 dont on ne vous dévoilera pas le climax.

Saga théâtrale selon les codes de la série télévisée

"Vous êtes ici" est une série. Ça ne se passe pas sur votre petit écran ou sur votre portable, mais devant vous, pour de vrai, sur une scène de théâtre. "Vous êtes ici" est un pari assez fou: créer une saga théâtrale selon les codes de la série télévisée. Avec ses rebondissements, ses personnages multiples, son suspense. Le tout en dix épisodes accueillis dans une douzaine de théâtre genevois.

"Vous êtes ici", c’est aussi une formidable et inattendue réunion sur cette même saga catastrophiste de toutes les sensibilités diverses et variées du théâtre d’aujourd’hui. Comme si cette histoire de société à recomposer ensemble se déroulait à la fois sur scène (avec une distribution très variée) et en coulisses.

Une centaine d'artistes au générique

Au générique, on trouve près d’une centaine d’artistes, comédiens, comédiennes, dramaturges, techniciens, techniciennes, etc. Le tout sous la houlette du trio responsable de la bible de cette série: Julie Gilbert, Michèle Pralong et Dominique Perruchoud, regroupées sous la bannière d’une association nommée République éphémère.

Le premier épisode, se joue au théâtre de l’Orangerie jusqu’au 26 septembre. La suite se passe au Théâtre de Poche dès le 5 octobre. Les places s’arrachent pour cette série livrée au rythme d’un épisode mensuel. Vous pouvez suivre "Vous êtes ici" par tranche ou alors tout avaler d’un coup d’un seul: une intégrale est prévue à la Nouvelle Comédie à la fin mai. Cela devrait donner plus d’une dizaine d’heures de spectacles.

Thierry Sartoretti/olhor

"Vous êtes ici", Episode 1, Théâtre de l'Orangerie, Genève, jusqu'au 26 septembre; Théâtre de Poche, Genève, dès le 5 octobre.

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Du linge à laver sur scène et en coulisses

" Vous êtes ici" aura déjà réussi l’exploit de fédérer des familles théâtrales qui n’ont pas l’habitude de se croiser sur un même plateau. Anciens et modernes? Plutôt tenants d’un théâtre ancré sur l’écrit et partisans d’un art du spectacle où les mots sont un combustible pour une création qui ferait feu de tout bois. Ce rapprochement des sensibilités artistiques ne se fait pas sans heurts et friction. Dans "La Chambre à lessive", premier épisode de "Vous êtes ici", le linge sale s’est étalé sur le plateau et sur… Facebook. L’autrice (et par ailleurs comédienne de la série), Claude-Inga Barbey y dénonce la mise à l’écart de son texte par la metteuse en scène Marion Duval. Cette dernière a préféré recomposer avec les comédiens cette histoire à partir du canevas du texte initial.

Une trahison qui mériterait procès, comme le clament certains fans de Claude-Inga Barbey, laquelle monte habituellement elle-même ses propres spectacles? Plutôt un choc des contraires. Il se traduit par un spectacle où l’on retrouve les ingrédients de l’une et les épices de l’autre.

Qui est coutumier des créations théâtrales inédites connaît ces tensions parfois aigues qui peuvent déchirer auteur-e-s, dramaturges et metteur-se-s en scène. Paragraphes biffés ou réécris, ajouts d’autres textes, suppressions ou ajouts de personnages… un texte peut connaître bien des vicissitudes avant une première. Dans le cas présent, il semblerait que le dialogue ait été rapidement rompu entre metteuse en scène et autrice. Fallait-il dès lors lier ces deux fortes personnalités sur une même collaboration? Au vu de ce qui se joue sur le plateau de l’Orangerie, la réponse est oui. "Vous êtes ici", s’annonce passionnant et foisonnant. Et l’on a qu’une envie : connaître la suite et retrouver chaque mois ces personnages, dont un futur et mystérieux poulpe.