Publié

"L'Ouvrir", premier spectacle de théâtre en chair et en os

Deux camionnettes, un chapiteau bleu et une bonne dose de volonté, le T-âtre Ibonillo est hyper-réactif. [DR - Philippe Pache 2020]
"Lʹouvrir" / Vertigo / 5 min. / le 16 juin 2020
A Lausanne, la comédienne Isabelle Bonillo renoue avec la scène devant un vrai public. Une première post-covid. Et un coup de gueule tragi-comique à découvrir jusqu'au 28 juin.

Le titre de ce spectacle avait été trouvé bien avant la crise sanitaire. Prévues au Luxembourg, au début du printemps, les premières représentations sont bien sûr tombées à l'eau (ou plutôt dans une solution hydroalcoolique).

Aujourd'hui, ce titre arrive pile-poil: "L'Ouvrir" est bel et bien le tout premier spectacle des arts vivants à retrouver scène et public en Suisse romande. Comprenez des comédiens en chair et en os devant des spectateurs tout aussi présents. Comment est-ce possible? Grâce au système D. Avec ses deux camionnettes, un chapiteau bleu ouvert aux quatre vents et une bonne dose de volonté, le T-âtre Ibonillo est hyper-réactif: prêt à plier bagage au moindre orage pandémique; prompt à reprendre a route à la moindre éclaircie sanitaire. Et puis, il y a ces mesures que tout le monde connait désormais: distance, masque au besoin et bien sûr le petit liquide à l'entrée. On va désormais au théâtre ou au magasin comme on entre dans une église catholique. C'est presque un nouveau rite. Voilà pour la forme.

Le contenu?

Tout est dans le sous-titre du spectacle: "Déboires-espoirs tragi-comiques d'une intermittente du spectacle mère-célibataire sans pension alimentaire". Approchez Mesdames et Messieurs! N'ayez aucune crainte et venez découvrir la bête de scène! Sauvage à souhait, tout juste sortie de sa jungle de paperasse et d'ennuis administratifs. La comédienne Isabelle Bonillo en a gros sur la patate, alors elle l'ouvre.

Créé avec la complicité du musicien Pierre Gilardoni, "L'Ouvrir" mélange témoignage balancé avec la tchatche d'une bateleuse d'estrade et une vraie-fausse tentative de jouer la tragédie grecque "Médée" avec des costumes chinés dans le théâtre de Molière. Médée-Bonillo ne tue ni enfant ni mari: elle se bat contre des tigres de papiers avec des tampons officiels administratifs. Au bout d'une heure top chrono, le temps de caser ce spectacle entre deux carillons de la toute proche cathédrale de Lausanne, la comédienne nous dépeint le b-a-ba béant de son métier vécu ces 12 derniers mois entre pandémie et soucis domestiques.

Pas sûr que "L'Ouvrir" suscite des vocations pour la profession théâtrale au vu de la somme d'embrouilles contées par Isabelle Bonillo. Mais au-delà du rire grinçant, ce spectacle vaut toutes les enquêtes et rapports sur un métier qui – côté confort matériel – n'a guère changé depuis le temps des troubadours et des montreurs d'ours. En vivre est un exploit. Le raconter un joli tour de force.

Thierry Sartoretti/ld

Jusqu'au 28 juin, Lausanne, Place St-Maur (cathédrale). Du 2 au 12 juillet, Neuchâtel, Théâtre Tumulte, Villa Lardy. Les 11 et 12 septembre, Cully, Théâtre de l'Oxymore.

Publié