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"Normalito", du théâtre qui sait parler aux enfants

L'affiche du spectacle "Normalito" au Théâtre Am Stram Gram. [amstramgram.ch]
Théâtre: Normalito / Vertigo / 4 min. / le 25 février 2020
Au Théâtre Am Stram Gram de Genève, voici jusqu'au 3 mars, un drame d'amour sur fond de différences de classes et de sexe à partir de 11 ans. Osé? Le jeune public applaudit à tout rompre.

Pas content, Lucas. Une rage à la hauteur de ses 11 ans. Il a la bouille contrariée du comédien Antoine Courvoisier, crédible malgré sa taille de jeune adulte. C'est quoi ton problème Lucas? D'abord, la maîtresse a refusé sa proposition de "Normalito, le superhéros qui rend tout le monde normaux" (sic). Ensuite, le voici collé pour avoir déclaré qu'il n'y avait plus personne de normal dans sa classe: tout le monde est désormais "différent", "singulier", "spécial".

Lucas s'y sent le seul normal, donc nul, quelconque et sans intérêt, dans un environnement où tout le monde a quelque chose de plus à son cv: surdoué, handicapé, enfant d'immigré, rejeton de parents divorcés, orphelin, allez savoir! Lucas a ses deux parents, plutôt bobos classe moyenne, et strictement rien à raconter.

Lucas boude, assis sur le trône. Il maugrée dans les toilettes de l'école jusqu'à ce qu'Iris, alias la comédienne Pauline Belle, vienne le chercher. Une particulièrement spéciale, celle-là: surdouée avec des couettes à la Greta, elle s'occupe de toute l'administration de ses parents, des Balkaniques à la cool. Entre elle et Lucas, ça ne peut pas marcher. Trop de contraires. Et bien sûr, c'est précisément ces contraires qui vont les attirer. Plus un amour réciproque pour les parents de l'autre. A Lucas les soirées pizza-télé-matchs de foot! A Iris, les discussions argumentées sur l'environnement en picorant des sushis bios!

Une scène du spectacle "Normalito". [http://www.amstramgram.ch/ - Ariane Catton Balabeau]

Histoire d'amour et d'humour

Avec "Normalito", la metteuse en scène et dramaturge Pauline Sales brode une histoire d'amour et d'humour sur fond de différences sociales. En comparant normalité et singularité, "Normalito" s'aventure cependant bien plus loin que le préau de l'école et le salon de papa-maman. Lucas et Iris fuguent, quittent les wc de leur école (un lieu de rendez-vous qui en vaut bien un autre) pour se retrouver… aux toilettes publiques de la gare. Ils y croisent Lina, une drôle de dame avec une grosse voix et une poitrine en devenir, incarnée par le comédien Anthony Poupard .

On n'est plus dans la lutte des classes, on baigne dans un drame glamour, une espagnolade façon movida madrilène, avec secret de famille, fringues bigarrées, mariage contrarié, réconciliations inespérées et tapis de violons romantiques. Du Pedro Almodovar pour les 11 ans! Avec au passage une allusion à l'apparition des premières règles.

Pari risqué, pari réussi. Dans la salle du Théâtre Am Stram Gram, emplie jusqu'aux derniers rangs de classes d'école primaire, on entend les mouches voler. Ecoute maximale et soulagement général au baiser final, plus des applaudissements à tout rompre au moment des saluts. Quand le théâtre ne prend pas les enfants pour des pives et leur parlent à hauteur des discussions du préau, ça fait mouche et ça touche.

Thierry Sartoretti/ld

"Normalito" au Théâtre Am Stram Gram de Genève jusqu'au 3 mars 2020.

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