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"Bacchantes" ou le carnaval de la folie façon Cap-Vert

Photo du spectacle "Bacchantes – Prélude pour une purge" de Marlène Monteiro Freitas. [vidy.ch - Laurent Philippe]
Les folles Bacchantes de Marlene Monteiro Freitas / Vertigo / 6 min. / le 9 mai 2019
Installée au théâtre Vidy-Lausanne jusqu'au 11 mai avec sa troupe de treize musiciens et danseuses, la chorégraphe Marlene Monteiro Freitas revisite la tragédie grecque à coup de trompettes de chasse. Jouissif et givré.

Ils sont treize sur scène. Un gars âgé, pyjama et basanes, avec la tête plissée de celui qui ne compte plus ses nuits blanches. Il ne danse pas, il ne joue pas de trompette, il irradie la scène comme un Dieu d'une autre époque. Il y a les douze autres, filles et garçons, une tenue blanche tachetée de sang, parfois un bonnet de bain doré sur la caboche, à zigzaguer sur le plateau comme des fourmis chassées de leur logis, qui avec un tuyau d'arrosage enroulé autour du cou comme un cors de chasse, qui un lutrin plié comme une antenne radar, qui portant des baguettes de tambour.

Une sacrée troupe de zigotos entre la banda de carnaval, excitée à l'eau de feu, ou une fanfare des chasseurs alpins sous trip LSD. Bienvenue aux Bacchantes, les adeptes de Dionysos, vénéré patron des libations, de l'ivresse, des fêtes et des coups de folie.

Deux heures de folie

Marlène Monteiro Freitas dans "Bacchantes – Prélude pour une purge". [vidy.ch - Laurent Philippe]
Marlène Monteiro Freitas dans "Bacchantes – Prélude pour une purge". [vidy.ch - Laurent Philippe]

"Bacchantes – prélude pour une purge" est un spectacle de danse. Deux heures de folie, de rémission et de re-folie bien liée et chorégraphiée par la danseuse capverdienne Marlene Monteiro Freitas. Les "Bacchantes", c'est aussi et avant tout une tragédie grecque signée Euripide, gagnante, post mortem, du premier prix de théâtre du Royaume de Macédoine vers 406 avant notre ère. Une vieille histoire, donc. Qui mérite son prix.

La voici: Dionysos débarque incognito chez les mortels. Il a un contentieux à régler avec le roi de Thèbes. Ce mécréant de Penthée raconte partout que Dionysos ne serait pas fils de Zeus et donc ne mériterait ni le titre de dieu, ni même un quelconque culte. Cette affaire pue la jalousie familiale, Penthée est en effet cousin de Dionysos, sa royale maman étant la sœur de Sémélé, maman de Dionysos qui s'est naguère retrouvée, la malheureuse, dans les bras (et plus) du Dieu des dieux. Bref, fiston Dionysos revient et sa vengeance est bien sûr impitoyable: déguisant Penthée, il l'envoie chez les Bacchantes sous prétexte de les espionner. En plein délire, elles prennent le roi de Thèbes pour une bête fauve et s’acharnent sur lui. Sa propre maman, Agavé, lui tranche le ciboulot… L'abus d'alcool vous fait commettre bien des actes regrettables…

Entre mythe antique et tradition du carnaval

S'emparant de ce mythe qui mêle ruse et folie, joie et vengeance, orgie et punition, Marlene Monteiro Freitas confronte le mythe antique aux traditions d'inversion et de folie du carnaval capverdien. L'ambiance est ardente (brûlante, en portugais) sur ce plateau où deux heures ne sont pas de trop pour explorer les couches et sous-couches de cette embrouille divine et familiale.

In fine, la mise à mort aura lieu sur un célèbre boléro, les danseurs devenant musiciens et les musiciens danseurs dans un méli-mélo de corps et de gestes qui chauffe à blanc le spectacle de danse le plus jouissif de ce printemps.

Thierry Sartoretti/ld

>> "Bacchantes – prélude pour une purge", à voir au Théâtre Vidy-Lausanne, du 9 au 11 mai 2019

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