Le point de départ de "A nos amours", quatrième spectacle de l'actrice française d'origine marocaine, n'est pas tant l'affaire Weinstein que l'étonnement qu'elle a suscité. "Que cela arrive aussi aux actrices n'a rien surprenant puisque cela arrive à toutes les femmes. La différence, c'est qu'on leur a tendu un micro", dit Sofia Aram qui ne cache ni ses indignations, ni ses colères mais qui a l'art et l'humour pour le dire.
Une agression sexuelle qui tourne bien, c'est quand le violeur te raccompagne en taxi.
Désir de journalisme
Née en 1973 dans une famille musulmane, Sophia Aram aime le théâtre, l'improvisation et rêve de devenir journaliste, le témoin de son temps, le porte-voix des vérités qui bousculent. Après une maîtrise d'arabe, elle fait un peu de télévision puis bifurque vers l'écriture avec son compagnon, Benoît Cambillard. Son premier spectacle "Du plomb dans la tête" (2007) met en scène une cellule de soutien psychologique après le suicide en classe d'une institutrice.
Drôle et sérieuse
Ce premier succès lui vaut une place de chroniqueuse sur France Inter dans "Le Fou du Roi", de Stéphane Bern. Son ton est acide, elle ne ménage pas les invités, s'en prend volontiers à ses ennemis politiques mais le fait toujours avec sérieux. "Du journalisme, il me reste la volonté d'éviter de dire des conneries; je me documente, je vérifie, je croise les informations. Jamais avec mon compagnon nous irions au raccourci pour un bon mot: on préfère dire quelque chose de juste que quelque chose de drôle. Si on réussit les deux, c'est bingo!".
Féministe de naissance
Sophia Aram se dit féministe depuis toujours même si elle sait qu'on ne naît pas féministe mais qu'on le devient. "Dès l'enfance, on vous assigne à un rôle de faiblesse, et on dit aux garçons, surtout ne sois pas une fille! C'est l'inégalité qui m'a toujours mise en rage". Et d'où vient cette inégalité?
Pour moi, le problème vient des religions. Comment les religieux ont-il obtenu la soumission des hommes à Dieu? En leur offrant la soumission des femmes en échange.
Elle en a fait un spectacle en 2010, "Crise de Foi", dans lequel elle livrait sa conception: "Finalement, je ne crois qu'au droit au blasphème, au droit de pouvoir dire tout haut que Dieu n'existe pas". A chaque spectacle, elle traite d'un thème urticant. En 2015, avec "Le fond de l'air effraie", elle épinglait certaines personnalités comme Eric Zemmour ou Valérie Treiweiler en s'interrogeant sur une époque où une marque d'eau minérale a plus d'abonnés sur twitter qu'un prix Nobel, et où jihad commence sur Facebook.
Propos recueillis par Julie Evard/mcm