Réalisé par Farid Eslam et sorti en 2015, "Yallah! Underground" a été présenté en première mondiale au Festival Vision du Réel à Nyon, puis à Berlin et à Toronto. Le documentaire montre l'influence du contexte social du Printemps arabe sur la scène underground arabe. Et vice-versa.
"Yallah! Underground" suit quelques musiciens underground parmi les plus importants et progressistes d’Egypte, du Liban, de Palestine, de Jordanie et d’Israël entre 2009 et 2013. Les espoirs suscités par le Printemps arabe ont été puissants et bon nombre d’artistes renommés ont rejoint les manifestations de la rue. Ils doivent aujourd’hui faire face aux conséquences. Mais leur musique les maintient éveillés.
Le tournage a débuté un an avant le Printemps arabe. Les protagonistes du documentaire expriment alors déjà ce bouillonnement culturel, social et politique qui va déboucher sur une véritable vague de contestation qui va déferler sur le Moyen-Orient, explique Frédéric Pfyffer, de l'Unité Documentaires à la RTS.
En prise directe avec l'Histoire
Le documentaire donne à voir le rôle que les artistes pensent pouvoir tenir pour faire évoluer la culture dans leurs pays respectifs. On suit par exemple le graphiste Amer Shomali, basé à Ramallah, en Cisjordanie. Il a une vision très claire de son rôle en tant qu'artiste. Il dessine des affiches politiques et des affiches pour la mobilisation citoyenne.
Je crois en l’art en tant qu’outil pour le changement social. Je me vois comme un activiste avec des outils artistiques. Je peux mobiliser les gens. Je peux transmettre des idées de façon plus attrayante. En tant qu’artiste, tu as un rôle. Les gens recherchent un sens à leur vie. Et les artistes, je pense, sont ceux qui peuvent leur montrer leur chemin. Ce ne sont pas les politiciens. Les politiciens volent nos rêves, les artistes peuvent nous les rapporter.
Avec "Yallah! Underground", le spectateur est en prise directe avec l'Histoire, qui s'écrit au quotidien. Une situation qui se révèle être un terreau pour les créations des artistes du film. A travers leurs affiches, leurs morceaux, leurs concerts, leurs disques, ils sont engagés. Contre une société et un pouvoir qu’ils jugent sclérosés, rétrogrades, moralisants. Contre une situation qui les empêche de vivre libres, de faire la musique qu’ils aiment, de s’habiller comme ils veulent. Contre un contexte politique et social qui les empêche d’être tout simplement qui ils sont. Soit des jeunes en phase avec ce qui se fait à New York, à Londres ou à Paris dans une communauté de pensée très différente de la culture de leur pays.
Propos recueillis par Ellen Ichters
Réalisation web: Nathalie Hof
"Yallah! Underground", un documentaire de Farid Eslam, à voir le 14 octobre 2018 sur RTS Deux à 22h05, puis en replay sur le site des Docs pendant un mois.