Super Nana

Au-delà des chiffres affolants de sa longue carrière, qui est cette Nana qui se cache derrière ses grosses lunettes qu'elle a toujours refusé d'enlever?

Une interprète hors norme en tout cas, qui ne saurait vivre sans musique et qui a précocement pris la chanson pour amant. "Elle n'est pas chanteuse, elle est musique", dit d'ailleurs de Nana Charles Aznavour. Qui, comme Bob Dylan, Leonard Cohen, Michel Legrand, Harry Belafonte, Nikos Gatsos et tant de compositeurs, paroliers, poètes ou chanteurs fameux avec qui elle a collaboré, ne tarit pas d'éloges devant ce timbre cristallin à la limite du divin. Cet organe de mesure et d'élégance tout aristocratique, Nana Mouskouri lui a fait subir toutes les pirouettes musicales, par amour d'un art total: jazz, classique, opéra, gospel, liturgique, traditions folkloriques ou pop.

Elle a une voix capable de miraculeuses intonations, emplie d'émouvante sincérité. Pas d'éclats, de puissance forcée ici; juste une redoutable constance. Un chant aiguisé pour oublier les complexes et les problèmes de poids qui, d'un solide socle européen à l'orée des années 1960 (Allemagne, France et Grande-Bretagne) et d'un album aux Etats-Unis avec Quincy Jones, a conquis tous les continents et s'exprime en 19 langues.

La force de Mouskouri réside dans son appropriation des mots, autant que des maux, des autres. Ressentir, partager l'émotion via le texte, se fondre dans ses méandres, saisir ses nuances. Ce don de l'empathie, Nana le doit sans doute à son ouverture d'esprit, à son insatiable curiosité et, enfin, à sa soif d'apprendre autant que de comprendre. C'est la genèse d'une voix sans frontière, quand bien même elle n'a pu compter à l'origine que sur une seule corde vocale...

Parmi les événements marquants de cette Nana Mouskouri qui court les cinq continents figure son retour en Grèce, sa patrie natale.

Le 23 juillet 1984, pour la première fois depuis 22 ans, elle renoue avec ses racines pour deux récitals mémorables et plein d'émotion au pied de l'Acropole d'Athènes. Le public n'oublie pas que l'interprète de "Je chante avec toi Liberté" (1980) est la meilleure représentante de la culture grecque à l'étranger.

Entre tournées internationales et enregistrements de disques, cette infatigable voyageuse est nommée ambassadrice de l'Unicef en décembre 1993. Elle succède à l'actrice américaine Audrey Hepburn. Sa première mission l'amène en Bosnie. Puis elle donne des concerts de charité en Suède ou en Belgique pour venir en aide aux enfants qui vivent dans la misère et côtoient la guerre.

Son engagement dans la vie publique ne s'arrête pas là : elle est élue en juin 1994 député au parlement européen sous la bannière du parti grec de la Nouvelle Démocratie (Droite). Elle se préoccupe de la politique culturelle ainsi que des problèmes du Tiers-monde. En mai 1998, Nana Mouskouri se rend en Bosnie sous l'étiquette de membre du parlement européen afin de financer la construction d'une école. La chanteuse en a en réalité récolté les fonds lors d'un concert donné en Allemagne.

Foncièrement pacifiste, Nana Mouskouri ne peut se résoudre à cautionner les guerres et finit ainsi par abandonner en 1999 son mandat de député européen.

A l'occasion de ses 80 ans, le 13 octobre 2013, Nana Mouskouri a définitivement rompu avec la retraite et entamé une tournée mondiale. Elle avouera plus tard avoir mal vécu l'arrêt de sa carrière, envahie par un "sentiment de désespoir et d'inutilité".

Cet "Happy Birthday Tour" la mène en Amérique du Sud, au Canada et un peu partout en Europe (Angleterre, Allemagne, France, Suisse...). Cette série de concerts internationaux se poursuit en 2015, avant de s'interrompre pendant quelques temps suite à des problèmes de santé. Mais en janvier 2016, la chanteuse se dit prête à revenir sur scène et y revient.

D'ailleurs, le 10 mars 2018, Nana Mouskouri se produira à l'Auditorium Stravinski de Montreux (VD) pour présenter son nouvel album.

>> A écouter: entretien de Nana Mouskouri en février 2018 sur Option Musique à l'occasion de la sortie de son nouvel album :

AFP - Britta Pedersen / DPA

Elle avouera plus tard avoir mal vécu l'arrêt de sa carrière, envahie par un "sentiment de désespoir et d'inutilité".