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La touchante bancalité rock'n'roll de l'ange maudit Peter Doherty

Le chanteur anglais Peter Doherty sur la scène du Montreux Jazz Lab, le 6 juillet 2017. [2017 FFJM - Daniel Balmat]
Le chanteur anglais Peter Doherty sur la scène du Montreux Jazz Lab, le 6 juillet 2017. - [2017 FFJM - Daniel Balmat]
A la sophistication soul paradoxalement émouvante de Lauryn Hill au Stravinsky de Montreux jeudi répondait la bancalité rock’n’roll de Peter Doherty. Deux styles opposés pour deux divas et prestations finalement touchantes.

Contrastes de genres à Montreux jeudi soir. A la sophistication soul paradoxalement émouvante de Lauryn Hill à l’auditorium Stravinsky jeudi répondait la bancalité rock’n’roll de Peter Doherty. Deux styles opposés, deux divas, pour deux prestations pourtant touchantes chacune à leur manière au final.

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Soit deux voix hésitantes, mal assurées ou trop autocentrées, mais touchées par la grâce par instants. A l’image d’une Lauryn Hill qui revisite partiellement "Ne me quitte pas" en fin de représentation et d’un Doherty qui convoque "Summertime" juste après s’être glissé dans la mythologie rock romancée via "You’re my Waterloo", titre tardif des Libertines où sexe, drogue et rock’n’roll côtoient Judy Garland. Gershwin, Ella Fitzgerald, Billie Holiday et Jacques Brel entrent soudain en résonance malgré les frontières stylistiques pour des fulgurances bénies au coeur de concerts aussi inconstants que cahotants.

Malgré ses approximations vocales, musicales, l’ange maudit Doherty est davantage à son aise qu’il y a neuf ans tout juste, lors de sa brève escale montreusienne chaotique, et sans doute intoxiquée, au sein de ses Babyshambles.

Foutoir bon enfant

Chaperonné par ses quatre musiciens, et en particulier sa dilettante claviériste, l’Anglais promène nonchalamment son répertoire autant qu’il arpente la scène du Lab, sous l’habituelle emprise syncopée Clash, Kinks, The Jam qui a défini la mise sur orbite des Libertines en 2002: de contretemps rock en mélodies pop, des murmures en cris, d'outrances en fêlures. Entre deux conciliabules sur le choix des morceaux et un vade mecum de la geste punk-rock avec ses postures et impostures. Même l'ingénieur du son se marre au spectacle de ce foutoir bon enfant.

Look toujours sous influence Hedi Slimane, costard foncé à carreaux, chemise blanche sous bretelles et collier, galurin gris, Doherty arbore sa classe de mauvais garçon romantique, de rimbaldien des temps modernes. "Last of the English Roses" reste ici d’une sidérante beauté malgré une entame bricolée en douceur, avant de se voir prolongée par "Kolly Kibber" pour lequel Doherty tombe son veston, retrousse ses manches et prend la guitare afin d'accélérer enfin, un peu, le rythme.

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Au coeur de ce va-et-vient de tempos, de moments suspendus et de saillies débraillées, défilent "Albion", "Down for the Outing". Autant de balises qui mènent vers le fracas et fatras de "Fuck Forever". Rideau. Doherty reprend son veston, son verre, s’assied quinze seconde et salue du chapeau. Quinze ans de Libertines, Babyshambles et de pas en solo condensés en une heure, sans rappel. Le rock peut et doit peut-être parfois encore s'apparenter à ça dans la sophistication et le manque de spontanéité ambiante.

Olivier Horner

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