La question des figures tutélaires est cruciale pour les groupes minorisés, quels qu’ils soient. Dans un milieu comme le rap – et pas uniquement francophone –, les hommes ont toujours constitué l’écrasante majorité. Les jeunes auditeurs ont ainsi constamment pu s’identifier à différentes idoles, s’inspirer de leurs parcours, trouver le courage de se lancer à leur tour et poursuivre leurs rêves, dans la musique comme en dehors. Mais il en est tout autrement concernant les jeunes auditrices de rap, qui ont rarement eu une abondance de figures féminines auxquelles se référer.
Bien que cette tendance soit valable à l’international, il faut rappeler que la situation francophone demeure particulièrement mauvaise. Aux États-Unis par exemple, même si la proportion de rappeuses reste réduite, il y a toujours eu des superstars comme Missy Elliott, Lil’Kim, ou plus récemment Nicki Minaj – qui devenait en février dernier la deuxième femme avec le plus de hits dans le Top 100, derrière Aretha Franklin mais devant Taylor Swift (artiste pop-country). Du côté de l’Angleterre, M.I.A a depuis longtemps fait parler d’elle au niveau mondial, et des rappeuses plus jeunes comme Little Simz, Nadia Rose, Lady Leshurr ou Stefflon Don tournent beaucoup et apparaissent régulièrement dans les médias de références (MTV, BBC).
Tandis que pour le monde francophone, encore une fois, il faut regarder sur différents pays pour trouver des rappeuses à fort potentiel. Telle une spirale négative, le départ de Diam’s et le profil bas successif de Keny Arkana ont suscité un manque de modèles à la fin des années 2000, une invisibilisation des rappeuses, et n’ont pas permis de réel passage de flambeau au début des années 2010.
La jeune rappeuse française Chilla. [Auguri Productions - RTS]
Heureusement cependant, comme un phénix qui renaît de ses cendres, le rap féminin opère un retour depuis quelque temps, avec Shay, Sianna, La Gale et KT Gorique. Entre autres, car à celles-ci viennent s’ajouter de nouvelles venues, comme la rappeuse-chanteuse Chilla, qui n’hésite pas à aborder frontalement les questions de genre.
>> A voir: le clip féministe de Chilla, "Sale chienne" (2017):
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Autoriser les cookies La rappeuse s'est aussi distinguée en janvier dernier avec une lettre chantée de ras-le-bol en vidéo adressée au président français François Hollande qui mettait en exergue la colère de la jeunesse face à la politique et aux hommes politiques.
Et si Diam’s ne semble pas disposée à remettre les pieds dans ce milieu, le retour de Keny Arkana devrait en appeler d’autres, dont celui de Casey – autre icône de l’underground des années 2000 – qui après un passage par le rock a annoncé un projet rap pour bientôt.
Tant mieux, car dans ce monde du rap qui laisse trop souvent s’exprimer le sexisme et la misogynie, la présence de femmes actives est plus que nécessaire. Comparée aux dernières années, la tendance actuelle est alors réellement encourageante. Plus on sera de folles, plus on pourra rire.