Le poète de la contrebasse

Grand Format

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Introduction

Dans son dernier disque, le musicien-voyageur Renaud García-Fons rend hommage à sa ville natale, Paris, capitale cosmopolite et carrefour des musiques du monde.

Un coup de foudre

A l’âge de seize ans, le jeune Renaud García-Fons se cherche. Il a fait du piano, de la guitare classique, un peu de rock, mais il est en quête d'autre chose. Un ami contrebassiste en résidence au Centre Pompidou, à Paris, lui fait alors essayer son instrument. C’est le coup de foudre: l'adolescent rentre chez lui en courant et, dès le lendemain, loue une première contrebasse.

A la même période, les parents du jeune Renaud font la connaissance de François Rabbath, extraordinaire contrebassiste, compositeur et pédagogue franco-libanais, et lui parlent de la soudaine passion de leur fils. L’artiste propose de recevoir l’adolescent et tout commence alors réellement. Cette première influence est prépondérante: de François Rabbath, Renaud García-Fons a hérité la précision technique, la justesse, l’ouverture musicale, l’inventivité… et le sens du partage.

Cinq cordes

Renaud García-Fons fait partie de ces artistes qui transcendent les limites de leur instrument. Sous ses doigts, la contrebasse explore sans cesse de nouveaux timbres, de nouvelles possibilités expressives, de nouveaux doigtés et des styles de jeu ramenés d'incessants voyages autour de la Méditerranée.

Après plusieurs prix aux Conservatoires de Paris et d'Aubervilliers, diplôme d’état en poche, il se lance bien vite dans une démarche résolument personnelle, nourrie de traditions musicales diverses d'Orient et d'Occident. Très tôt, il ajoute une cinquième corde à sa contrebasse et l’envisage en instrumentiste soliste, dans toutes ses possibilités mélodiques, harmoniques et rythmiques. Son parcours passe alors par le jazz - l’Orchestre de Contrebasses, l’Orchestre National de Jazz, Nguyen Le, Sylvain Luc, Didier Lockwood, Michel Portal, entre autres - et les musiques du monde: Kudsi Erguner, Dhafer Youssef, Angélique Ionatos…

Flamenco

Dès son enfance, Renaud García-Fons est sensibilisé aux cultures méditerranéennes et au flamenco qu'écoutent ses parents, le peintre et sculpteur Pierre García-Fons et son épouse Olga Caprani i Cuffi, tous deux d’origines catalanes. Pour le contrebassiste, au-delà des canons imposés par certains milieux, le flamenco reste une tradition récente dont la dimension instrumentale en pleine évolution offre de vraies perspectives. En 1994, avec le guitariste Pedro Soler, il compose et enregistre une "Suite Andalouse" pour contrebasse et guitare flamenca.

D’autres albums suivent, avec d’autres collaborations: les chanteuses Esperanza Fernandez et Carmen Linares, le guitariste Gerardo Nunez, et plus récemment le pianiste Dorantes, avec qui il enregistre un extraordinaire " Paseo A Dos " en 2015. Ce duo, en particulier, lui vaut une vraie reconnaissance de l’Andalousie et des aficionados: en 2012, il est le premier contrebassiste à obtenir le prestigieux Giraldillo de Oro, prix d'interprétation musicale de la Biennale Flamenco de Séville.

Cette distinction vient s’ajouter à un palmarès déjà brillant: en 2009, un Award de la Performance Solo décerné par l’International Society of Bassists; en 2010 et 2012, l’Echo Deutscher Muzikpreis Jazz du meilleur instrumentiste international, pour ses disques "Linea Del Sur" et "Méditerranées".

>> Du flamenco en version instrumentale, Renaud Garcia-Fons et David Peña Dorantes au piano dans "L'écoute des mondes" (Espace 2) :

Pochette de l'album de Renaud Garcia-Fons et Dorantes "Paseo a dos".
L'écoute des mondes - Publié le 26 juin 2016

Une vie de voyages

Fotolia - juleron

D'un projet à l’autre, Renaud García-Fons enchaîne les déplacements dans le monde entier. Du voyage, il met à profit les nombreux moments solitaires, ceux justement où on se déplace en train ou en avion, pour griffonner un thème, un rythme, une idée musicale. De ses nombreuses rencontres, il ramène toutes sortes d’impressions, parfois des notes musicales précises qu'il couche rapidement sur le papier ou qu'il enregistre à la volée. Si tout n’aboutit pas toujours à une composition structurée, certaines idées reviennent pourtant régulièrement, que le musicien reprend en main d’une façon ou d’une autre et qui finissent par s’imposer. Alors seulement vient le moment de l’écriture musicale proprement dite, l’oeuvre du compositeur qui s’arrête, rédige, puis partage et soumet sa nouvelle oeuvre au travail collectif, en répétitions.

Si le public des festivals connaît surtout la part jazz et world de l’oeuvre de Renaud García-Fons, elle n’en compte pas moins d'autres pièces importantes, des musiques de films et de ballets, ainsi qu'un répertoire classique, pièces pour quatuor à cordes et pour orchestre de chambre.

La vie devant soi

Dans son dernier disque, tant au niveau de l’écriture que des sources d'inspirations, le contrebassiste présente une facette encore peu exploitée de son goût musical. Magnifiquement servies par l’accordéon de David Venitucci et le vibraphone ou la caisse claire de Stephan Caracci, les onze compositions originales de "La vie devant soi" plongent dans les musiques, les films et la littérature qui ont marqué l’adolescence de Renaud García-Fons. Sortant du milieu familial hispanisant, on retrouve ici, Ravel, Debussy ou Satie; là, le jazz qui s’épanouissait dans les caveaux depuis les années 60; la chanson française, le musette bien sûr, mais aussi les musiques de tous ces films en noir et blanc - Jean Gabin, Lino Ventura, Michel Simon - qui ont pris Paris pour décor.

>> A l'occasion de la sortie de son nouveau disque, "La vie devant soi", entretien avec Renaud García-Fons. :

Le contrebassiste Renaud Garcia-Fons. [DR - Jan Scheffner]DR - Jan Scheffner
Versus-écouter - Publié le 17 mars 2017

En titre, la référence au roman d’Emile Ajar alias Romain Gary résume bien toute l’approche humaniste de Renaud García-Fons: dans la musique, pas de frontière, mais des passerelles, des ponts entre les cultures. Un réel vivre-ensemble, dans lequel racines africaines, maghrébines, méditerranéennes ou asiatiques, pour une fois un peu moins présentes que dans les disques précédents, se croisent néanmoins avec d’autres influences proprement "parisiennes" et s'enrichissent mutuellement.

>> Écoute critique du CD dans "Magnétique" (Espace 2) :

La couverture de l'album "Drunk" de Thundercat. [Brainfeeder]Brainfeeder
Magnétique - Publié le 7 mars 2017

Crédits

DR - Jan Scheffner

Proposition et textes: Vincent Zanetti

Réalisation web: Melissa Härtel