Beastie Boys, les sales gamins du hip-hop

Grand Format

AP / Capitol Records / Keystone

Introduction

Il y a trente ans sortait "Licensed to Ill", le premier album des Beastie Boys qui marquera l'histoire de la musique et du rap. L'émission "Audioguide" revient sur l'histoire de ces morceaux novateurs en forme de "permis de déconner".

La sortie de "Licensed To Ill" en 1986

Il devait s’appeler "Don’t Be A Faggot" (littéralement "ne sois pas une tapette"). Finalement, après une pression légitime de leur maison de disques Columbia, le premier album des Beastie Boys s’appellera finalement "Licensed to Ill", jeux de mots avec "Licensed to Kill", le fameux permis de tuer du Commandeur Bond.

Permis de déconner, c’est donc à peu près de cette façon que l’on doit comprendre un disque qui restera dans les mémoires comme l’oeuvre de trois bouffons punk, les Beastie Boys, supervisés par Rick Rubin, un producteur fan de Led Zeppelin et Black Sabbath, et sorti sur un label qui devait devenir l’un des plus importants de l’histoire du rap: Def Jam.

En 1985, lorsque le grand public prend connaissance de l'existence des Beastie Boys, un groupe de hip-hop composé de MCA, Mike D et Ad-Rock, personne ne s’attendait à ce qu’il devienne le plus novateur de ces trente dernières années.

La pochette de l'album "Licensed to Ill" des Beastie Boys. [Def Jam]La pochette de l'album "Licensed to Ill" des Beastie Boys. [Def Jam]

"Licensed To Ill", leur premier album sorti en novembre 1986, est un disque qui pèse lourd dans la balance de l’histoire de la musique. C’est l’une des ventes les plus fructueuses que Columbia Records a connue, mais c’est surtout avec ce disque que le rap a réellement percé auprès d’un jeune public blanc masculin, tout en étant crédible auprès du public noir.

"Licensed To Ill" contient une majorité de samples des Clash, de Black Sabbath, d’AC/DC, de Led Zeppelin, mais aussi de Cerrone, de Bo Diddley, Kool and The Gang, Sugarhill Gang et Barry White. La recette est parfaite pour amener le rap à un public blanc. Et l'attitude des membres du groupe ne laissera personne indifférent.

Textes idiots, sexisme, attitude d’adolescent attardé, le trio sert un rap festif et jubilatoire, salué unanimement par la critique.

Fond noir.Fond noir.

Le label Def Jam

On ne peut pas saluer l'influence de "Licensed to Ill" sans reconnaître au label Def Jam et à ses fondateurs Rick Rubin et Russel Simmons leur génie. Rick Rubin et Russell Simmons, ce sont deux ADN drastiquement différents, mais totalement compatibles. Un ours blanc barbu et placide, fan de métal, puis de hip-hop d'un côté, un entrepreneur du Queens, issu de la classe moyenne afro-américaine, de l'autre. Avec Def Jam, le hip-hop entre dans la cour des grands.

Le label Def Jam est un modèle de réussite de la collaboration de deux communautés, juive et afro-américaine, et de la cohabitation de deux de ses représentants, issus du Queens, centre névralgique du hip-hop dans la première partie des années 80. La révolution Def Jam passe avant tout par la mise en avant de Run–D.M.C, un groupe américain qui symbolise la "New School of Hip Hop".

Grâce au succès de Run–D.M.C, le label capte l’attention des plus grosses stars du showbiz, comme Madonna, qui tentera de les avoir comme première partie de son "Virgin Tour" en 1985. Elle devra se rabattre sur les Beastie Boys - dont elle est déjà une grande fan, notamment à cause de leur gestuelle jugée indécente.

Mike D des Beastie Boys (à droite) et Russell Simmons du label Def Jam à leur arrivée à Londres en mai 1987. [AP Photo / Press Association / Keystone]

Une tournée mondiale

Après avoir tourné en première partie de Madonna et Run–D.M.C, les Beastie Boys partent sur la route avec le groupe Fishbone en lever de rideau. Pour être à la hauteur de leur réputation, ils prennent comme mobilier de scène une danseuse en soutien-gorge dans une cage et un pénis gonflable de plus de 7 mètres.

Le groupe fait bien évidemment la Une des journaux: ici ce sont les journalistes en pleurs, insultés par Ad-Rock, là ce sont des chambres d’hôtel massacrées ou des meubles balancés dans des piscines.

Au lieu de calmer le jeu, le label Def Jam force encore le trait en remplaçant Fishbone par Public Enemy, fraîchement signé sur le label.

Le tableau est désormais complet, et le public conquis.

Ad-Rock, Mike D et MCA (de gauche à droite), membres des Beastie Boys, en 1989. [AP / Capitol Records / Keystone]

Les shows étaient sold-out, il semblait qu’on n’avait rien d’autre à faire que de se pointer sur scène tous les soirs en buvant de la bière et en jouant un rôle exagéré. Mais en fait, en buvant tellement de bière et en nous comportant comme des abrutis machos et sexistes, on a fini par le devenir.

MCA, du groupe Beastie Boys

Tension au sein du groupe

À mesure que la liste des dates de tournée du groupe s'allonge, la tension monte et atteint un point de non-retour en Europe, plus précisément au Royaume-Uni où l’arrivée du groupe est accompagnée d’une certaine appréhension du public et de la presse.

Lors d’un concert où le public leur balançait des canettes de bière, Ad-Rock prit une batte de baseball et les renvoya dans le public. Une femme s’en prit une en pleine face, et le musicien passa deux jours en prison.

Pour couronner le tout, une fan déçue de se voir refuser un autographe les menaça de propager des mensonges à leur propos. Comme par hasard, deux jours plus tard, la presse annonçait que le groupe s’était moqué de patients atteints de leucémie. Les radios encouragèrent les auditeurs à ne plus acheter leur disque, et Def Jam ainsi que Columbia reçurent des menaces de mort.

L'après "Licensed To Ill"

L’après "Licensed To Ill" s'est avéré chaotique pour le trio, épuisé par sa tournée mondiale, coincé par un contrat avec Def Jam, ainsi qu'un Rick Rubin qui les presse de ressortir un "Licensed To Ill Bis" pour rentabiliser un maximum l’effet Beastie. Ce sera un non définitif de la part de Mike D, MCA et Ad-Rock, qui parviennent à s’extraire de Def Jam en signant un contrat misérable avec Capitol Records. À l’époque, on juge que ce sont des rigolos qui ne feront plus rien de bien.

Les Beastie Boys, qui ont quitté New York pour Los Angeles, pensent à renouveler leur son et à y injecter des influences funk, soul et rock. En 1989, ils publient "Paul's Boutique", deuxième album peu séduisant pour les charts. Jugé pas assez mainstream par la maison de disques, l'album est considéré comme un flop mais bénéficie d’un énorme succès critique.

>>"Shake Your Rump", chanson présente sur l'album "Paul's Boutique"

Un avenir compromis

Désormais installés dans leur nouveau QG à Los Angeles, baptisé le "G Spot", le groupe étend sa nouvelle sphère d’influence et de créativité avec le producteur Mario Caldato JR et un de ses amis charpentier et pianiste, un certain Money Mark. Bientôt, grâce à lui, le Studio G-son qui comprend une rampe de skate intérieure et un terrain de basket verra le jour.

Une belle histoire qui se poursuit encore. Mais évidemment, en raison du décès de MCA en 2012, l'avenir semble compromis. Ce dernier a toutefois laissé une note sur son testament où il stipule qu’aucun de ses titres ne soit utilisés à des fins commerciales.

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Ad-Rock (à gauche) et Mike D des Beastie Boys lors d'un concert à Bâle en 2004. [Keystone - Patrick Straub]

Audioguide, l'intégrale

>>Découvrez l'intégrale de l'émission "Audioguide" sur Couleur 3 consacré à cet album mythique:

La pochette de l'album "Licensed to Ill" des Beastie Boys. [Def Jam]Def Jam
Audioguide - Publié le 22 octobre 2016
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Un sujet proposé par Ellen Ichters

Réalisation web: Andréanne Quartier-la-Tente