Sophie Hunger, miss pop suisse

Grand Format

Keystone - Gian Ehrenzeller

Introduction

De son éclosion timide, voilà dix ans, à une consécration internationale et le Prix suisse de musique en 2016, retour sur l'ascension de la chanteuse alémanique en cinq étapes discographiques, de "Sketches on Sea" à "Supermoon".

Sketches on Sea (2006)

Automne 2006. Un premier album entre folk, pop et jazz autoproduit circule sans signature mais éblouit et déboussole par sa liberté formelle et ses sortilèges mélodiques. Son auteure, la Zurichoise d'adoption Sophie Hunger, a 23 ans et une voix à la fois gracile et insoumise qui charme instantanément.

Ses chansons en anglais et suisse allemand séduisent en premier lieu, paradoxalement, les médias romands. Ils raffolent de ses croisements d’esthétiques sonores, où cohabitent ballades folk, morceaux pop enlevés, jazz intimiste, rage rock parfois. L’engouement est tel que la perle cachée se mue rapidement en trésor national. D’autant qu’en parallèle, Sophie Hunger se voit adoubée par des artistes romands naviguant comme elle dans les eaux troubles de la pop, tels que Raphelson et feu Fauve ou par le déjà populaire Stephan Eicher.

Timide, fragile au premier abord, la chanteuse qui aime les répertoires de Bob Dylan, Billie Holiday, PJ Harvey et le romancier suisse Robert Walser n’en a pas moins un caractère et un répertoire bien trempés.

>> Ecoutez un extrait de la première interview que Sophie Hunger accorde en 2006 à Gérard Suter pour la sortie de son album "Sketches on Sea" et un titre live dans Radio Paradiso :

Interview [rsr - alexandre chatton]rsr - alexandre chatton
RTSCulture - Publié le 6 septembre 2016

"La seule chose qui reste à inventer en musique c’est une combinaison des éléments, des relations inédites entre les instruments, les styles, la voix, le texte, la diction, l’humeur du moment, le langage".

Sophie Hunger, gagnante du Grand prix suisse de musique 2016

Monday's Ghost (2008)

Elle prend la pose, façon shooting de mode. Sophie Hunger peut se permettre de jouer les divas sur la pochette de Monday’s Ghost. En deux ans, son art chanté a déjà reçu un chorus de louanges. Talent helvétique désormais bien exposé, elle n’en garde pas moins la mèche et le verbe rebelles.

Elle s’offusque ainsi d’une certaine presse alémanique qui la juge au pire comme un phénomène de foire ou au mieux comme une artiste tombée du ciel. Même si elle a bien saisi qu’elle ne pouvait "se cacher éternellement", aime-t-elle alors à dire avec un brin de sarcasme.

De ses premiers concerts confidentiels à Zurich à ses premières scènes européennes via son adoption précoce en Suisse romande par un label lausannois (ndlr: Gentleman devenu Two Gentlemen) qui a foi en ses émois, la Bernoise née en 1983 s’est dessinée une prometteuse carrière.

Pochette de l'album "Monday's Ghost" de Sophie Hunger (2008)
Pochette de l'album "Monday's Ghost" de Sophie Hunger (2008)

A cette starisation expresse, attisée par sa volonté de préserver son mystère ainsi qu’à ceux qui la jugent carrément "autiste", elle répond d’abord en affichant son visage sur son nouvel album.

Elle cloue ensuite le bec des importuns par le biais d’un répertoire pop aux ambiances tamisées insolent de maturité, beauté et fragilité.

A l’image de son tempérament, âpreté et douceur s’y entremêlent à merveille, avec un Eicher en invité de choix le temps d’un duo en dialecte et en forme de miroir réfléchissant de ses états d’âme récents: "Spielgebield".

1983 (2010)

Moins de deux ans après Monday's Ghost, Sophie Hunger pointe désormais deux mains revolver. Autant dire que cette fois, elle a choisi de dégainer ses coups de sang et de blues.

Fini les charmes identitaires flous, la chanteuse zurichoise à l’aura européenne assume sa nature autant que ses intentions avec pour armes des climats feutrés et des rythmiques enlevées. Son année de naissance vaut ici passeport discographique. Et l’étape est importante pour qui rechigne habituellement à trop perforer sa carapace.

Détail de la pochette de "1983". [irascible records]
Détail de la pochette de "1983". [irascible records]

Entre pop, folk ou jazz encore mais pas totalement effrontée, Hunger fait sa révolution de velours. Elle affine les contours de son précédent album tout en voyant en 1983 une « libération » plus en phase avec ses humeurs musicales et ses états d’âme récents. Les confidences ont fait place à davantage d’urgence.

L’anglais, l’allemand, le suisse allemand et le français (reprise équilibriste de "Le vent nous portera" de Noir Désir déjà rôdé sur scène auparavant) expriment au plus juste la palette de ses sentiments. L’instrumentation enrichie au même titre que son nuancier vocal lui permet des raffinements inédits et une mélancolie inouïe.

Entre électricité, acoustique et électronique, Sophie Hunger semble s’être recentrée – s’installer à Berlin lui a fait du bien - pour mieux franchir de nouveaux caps. Enfin la luminosité après quelques confusions ?

>> Découvrez la playlist de la chanteuse zürichoise :

Logo Couleur Toi
Couleur Toi - Publié le 6 août 2016

>>Sophie Hunger en concert à Paléo:

Sophie Hunger en concert
RTSculture - Publié le 16 septembre 2016

The Danger of Light (2012)

Dans son quatrième album en six ans, la chanteuse polyglotte joue encore brillamment du calme et de la tempête pop.

Musicalement comme textuellement, l'eau et le feu révèlent de fragiles beautés. A l'image de quelques chansons phares où Sophie Hunger trouve un élégant équilibre entre pop, folk et jazz ou de ces titres tout de velours intimistes.

Au-delà du bon dosage entre rythmiques enlevées et rondeurs feutrées, The Danger of Light souffre d'un défaut de zones de trouble.

Comme si l'âpreté avait été momentanément rayée de la personnalité de Sophie Hunger.

Une première faute de goût toutefois sans conséquences puisque des titres comme "Rererevolution" finissent d'asseoir sa notoriété internationale.

>> Sophie Hunger présente son album "The danger of light" sur le plateau du "12h45" :

L'invitée culturelle: Sophie Hunger, présente son nouvel album, "The danger of light"
12h45 - Publié le 1 octobre 2012

Supermoon (2015)

Echappée belle californienne à la pop aussi aérienne que franche et déliée, "Supermoon" consacre un peu plus encore le talent polymorphe de Sophie Hunger. Ce cinquième album studio conçu en partie outre-Atlantique dans une mosaïque de langues, que la multinationale Universal prend sous son aile, la propulse pour la quatrième fois au Montreux Jazz Festival ainsi que sur d'autres prestigieuses scènes à travers le globe. Elle y duettise notamment avec l'ex-footballeur Eric Cantona pour une relecture équilibriste et sombre de "La chanson d'Hélène".

La musicienne suisse Sophie Hunger sort son cinquième album
19h30 - Publié le 24 avril 2015

De révélation déjà confirmée à quatre reprises, la Bernoise acquiert le statut d'artiste unanimement saluée, prisée et, nul doute, durablement intégrée au paysage musical sans frontières.

Dans l'intervalle, histoire de braver davantage les étiquettes, la fille de diplomate aura notamment collaboré avec le chorégraphe Philippe Decouflé qui l'enrôle comme l'une des voix de son spectacle-hommage à David Bowie, "Wiebo", joué à la Philarmonie de Paris.

Ambassadrice de choix et de caractère de la créativité musicale made in Switzerland, au même titre que Yello, Eicher ou les Young Gods, Sophie Hunger, la chanteuse que les Romands considèrent comme une soeur d'âme se voit sacrée à Lausanne première "Miss suisse pop". Elle succède à Franz Treichler (Young Gods) et Heinz Holliger au Grand Prix suisse de musique.

Crédits

DR - Yann Zitouni

Texte: Olivier Horner

Réalisation web: Olivier Horner et Miruna Coca-Cozma

Infos:

Prix suisse de musique: http://www.schweizermusikpreis.ch/fr/

Sites de Sophie Hunger: http://sophiehunger.com/ et http://www.twogentlemen.net/band/87