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Kamel El Harrachi magnifie le chaabi, trésor musical algérien

Le compositeur et chanteur Kamel el Harrachi. [CC BY-SA 4.0 / Wikimedia Commons - Nathaniel Halberstam]
Kamel El Harrachi, le chaabi algérois dans le sang / L'Echo des Pavanes / 15 min. / le 4 juin 2021
Kamel El Harrachi, le fils de l'auteur du tube arabe "Ya Rayah" Dahmane El Harrachi, a trouvé sa voix tout en magnifiant le répertoire paternel dans son deuxième album intitulé "Nouara".

En 1998, le monde entier découvre l’un des plus beaux trésors cachés de la musique arabe. En France, le rockeur français d’origine algérienne Rachid Taha sort "Diwan", un album de reprises et d’hommages aux musiques orientales de son enfance. Parmi les chansons, on trouve "Ya Rayah", de l’Algérois Dahmane El Harrachi. C’est un tube immédiat.

Joué partout, repris au cinéma, chanté par Enrico Macias, traduit dans une multitude de langues. "Ya Rayah" s’écoute en Egypte, en Israël, en Turquie, en Grèce ou aux Etats-Unis. Il existe même une version serbe chantée par la star pop Zdravko Čolic, un phénomène, alors que la Yougoslavie sort tout juste d’une guerre fratricide entre Serbes orthodoxes et Bosniaques musulmans.

La douceur perdue du bled

"Ya Rayah" veut dire "toi qui t’en va". C’est une chanson sur les déchirements de la migration entre l’Algérie et la France PLM (Paris, Lyon, Marseille), la métropole des usines et des chantiers versus la douceur perdue du bled.

Dahmane El Harrachi n’a pas pu profiter du triomphe de sa chanson. Il s’est tué dix-huit ans plus tôt dans un accident de voiture à Alger. Mais cette année 1998, il existe cependant un autre musicien nommé El Harrachi. C’est Kamel, son fils.

Grandir à l’ombre d’un mythe

Né Amrani, Kamel a repris le flambeau de cette musique chaabi chantée en parler populaire qui retourne l’âme dans un sentiment de joie et de mélancolie à la fois. Plutôt que le banjo de papa, il opte directement pour le mandole, ce croisement de la guitare et du luth arabe.

Kamel avait sept ans à peine lors du décès de son père. Comment grandir à l’ombre d’un mythe? Par le travail, l’imitation dans un premier temps, manière de retrouver (un peu) ce père disparu, puis par un souci constant de préserver et transmettre l’héritage paternel.

De la K7 au CD

En 1991, sous le nom de El Harrachi (un patronyme tiré du quartier algérois où a vécu un temps Dahmane), Kamel sort discrètement une première cassette, "Kouba", histoire d’éprouver sa crédibilité musicale. A cette époque, la cassette règne encore dans le Maghreb ou sur les étalages de Barbès, à Paris, ou du Marché Soleil de Marseille.

Kamel prend son temps pour trouver sa voix et son style tout en restant dans le sillage du chaabi paternel. Il attend d’avoir 38 ans avant d’enregistrer un premier CD en 2001: "Ghana Fenou". Et c’est aujourd'hui seulement que paraît son successeur, "Nouara".

Un piano oriental

Le mandole de Kamel s’y montre véloce, sa voix désormais singulière et personnelle. Le répertoire comprend toujours son lot de chansons signées Dahmane, mais les arrangements laissent désormais la place à un piano oriental aux plus beaux atours arabo-andalous.

"Chaab", c’est le peuple, en arabe. Et même si désormais les tubes algériens sont actuellement signés du rappeur de charme Soolking, la musique chaabi reste populaire, immédiate, irrésistible. Et Kamel El Harrachi est son formidable ambassadeur.

Thierry Sartoretti/mh

Kamel El Harrachi, "Nouara" (Kamiyad).

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