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Le Lausannois d'adoption Piero Coppola, pionnier du disque classique

Piero Coppola, chef d'orchestre et compositeur italien. [AFP - © Lipnitzki / Roger-Viollet]
Hommage à Piero Coppola, à l'occasion du 50e anniversaire de sa mort / L'Oreille d'abord / 86 min. / le 29 mars 2021
Compositeur, pianiste et chef d’orchestre italien, Piero Coppola s'est éteint il y a cinquante ans à Lausanne. Reconnu et célébré de son temps, il a travaillé avec Debussy, Prokofiev ou Ravel. Ce dernier lui offre même d’enregistrer en première mondiale son célèbre "Boléro".

Directeur pour la France du label Gramophone "La Voix de son Maître" de 1923 à 1934, Piero Coppola a laissé quelques 500 enregistrements qui se veulent autant des références que des témoignages d’une époque particulièrement riche sur le plan musical. Son legs discographique revêt une importance particulière. Coppola étant né en 1888 et mort en 1971, il nous offre en quelque sorte un lien entre les compositeurs du tournant du 20e siècle et notre temps.

Son chemin croise celui de Claude Debussy dès 1911 à Turin. Au cours de sa vie, Piero Coppola va enregistrer toute l’œuvre orchestrale de Debussy. Certains de ses enregistrements lui valent un Grand Prix du Disque, notamment son interprétation de "La Mer", qu’il est le premier à porter au disque, ainsi que des trois "Nocturnes". Ses enregistrements sont décrits comme sans rivalité pour l’époque et ses "Nocturnes" sont salués comme son œuvre maîtresse, parmi les enregistrements les plus proches de la pensée du compositeur.

Ami avec Maurice Ravel

S’il excelle dans l’œuvre de Debussy, Coppola est également très proche de celle de Maurice Ravel, compositeur qu’il a bien connu et avec qui il a entretenu des rapports qu’il qualifie de très amicaux. Comme pour Debussy, il a enregistré pour la Gramophone toute l’œuvre orchestrale de Ravel et s’est imposé comme le spécialiste de sa musique.

Les deux hommes ont une réelle admiration l’un pour l’autre, de sorte que Ravel fait l’honneur au chef d’orchestre d’être le premier à enregistrer son "Boléro". Dans ses souvenirs, Coppola raconte que le compositeur avait assisté aux enregistrements. Il voulait vraiment qu’on le joue sans presser le mouvement vers la fin. Pendant l’enregistrement de la pièce, Coppola se met à presser le tempo et Ravel serait venu lui tirer sur la veste pour lui demander de ralentir. Ravel, dit-il, voulait surtout que l’on respecte scrupuleusement les indications qu’il avait mises dans la partition.

Dans une interview donnée à Radio Lausanne, Coppola raconte plusieurs anecdotes liées à Ravel et notamment celle de la création du "Concerto en sol" à laquelle il a assisté. Ce soir-là, Ravel doit diriger l’orchestre "Pas de loup" au Théâtre des Champs-Elysées. Marguerite Long en est la soliste. Coppola assiste aux répétitions qui précèdent le concert. Or il se trouve que Ravel est plutôt maladroit avec l’orchestre, de sorte que, excédée, Madame Long se lève et prie Coppola de monter sur le podium et de diriger la répétition. Le soir du concert, c’est finalement le compositeur qui dirige son concerto suivi du "Boléro", direction qu’il assure "de façon admirable", rapporte Coppola:

>> A écouter, l'interview donnée par Piero Coppola à Radio Lausanne en 1959 :

Piero Coppola (1888-1971), chef d'orchestre et compositeur italien dirigeant un ensemble d'élèves en répétition en 1930. [AFP - Roger-Viollet]AFP - Roger-Viollet
Entretien avec Piero Coppola, chef d'orchestre et compositeur / Emission sans nom / 13 min. / le 30 mai 1959

Un expert en musique française

D’une manière générale, Piero Coppola est un fin connaisseur du répertoire français. Outre Debussy et Ravel, il a porté au disque tous les grands noms du 19e siècle français: Berlioz, Chabrier, Chausson, Duparc, Gounod, Franck, Fauré, Lalo, d’Indy, Massenet, Thomas, Saint-Saëns, Bordes, ainsi que ceux du 20ème siècle, connus ou moins connus comme Aubert, Canteloube, Caplet, Cras, Dukas, Honegger, Milhaud, Roussel, Février, Lazzari, Leroux, Rabaud, Roger-Ducasse, Ropartz, Schmitt ou encore Séverac. Il a d’ailleurs laissé un intéressant livre de souvenirs qui offre un magnifique aperçu sur la vie musicale à Paris durant l’entre-deux guerres.

Dans l’immense legs discographique de Piero Coppola, on relève surtout que le chef italien est un véritable pionnier. La majeure partie des œuvres qu’il a enregistrées sont des premières au disque. Dans les interviews qu’il a données à Radio Lausanne, Coppola souligne volontiers qu’il lui fallait du courage pour graver ces œuvres, parce qu’il savait bien qu’elles n’allaient pas lui assurer de grandes ventes. Epoque bénie où il n’était pas question que de rentabilité.

Liens particuliers tissés avec la Suisse

On ne saurait passer sous silence son enregistrement mythique du 3e Concerto pour piano et orchestre de Sergei Prokofiev où Coppola accompagne le compositeur lui-même au piano, en juin 1932.

Toute sa vie, Piero Coppola tisse des liens particuliers avec la Suisse. Il a vécu les trente dernières années de sa vie à Lausanne et a quelquefois l'occasion d'enregistrer à la tête de l'Orchestre de chambre de Lausanne.

>> A écouter, l'Orchestre de chambre de Lausanne, 75 ans de complicité avec la RTS :

Piero Coppola, catalogue des oeuvres BCU [bcu]bcu
L'Orchestre de chambre de Lausanne: 75 ans de complicité avec la RTS / Versus-écouter / 37 min. / le 13 février 2018

C'est à Lausanne qu'il s'éteint, le 17 mars 1971. Sa collection d’enregistrements audio est déposée à la Phonothèque nationale suisse, qui est en train de la cataloguer et de la numériser. Le Fonds Piero Coppola, avec ses enregistrements historiques et privés, devient aujourd’hui accessible au public.

Sujet radio: Catherine Buser

Adaptation web: mh

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