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Rock et rap ligués contre Donald Trump

Donald Trump souhaitait que ses avocats continuent à plaider la thèse d'une fraude massive lors de l'élection présidentielle, plutôt que de se concentrer sur la légalité de poursuites à l'égard d'un président n'étant plus en fonctions. [Keystone - Al Drago]
Trump, un impeachment en musique / Vertigo / 6 min. / le 5 février 2021
Les chansons anti-Trump abondent alors que l’ex-président américain fait face ce mardi à sa deuxième procédure de destitution. Louer ou critiquer le Président en musique est une tradition aux Etats-Unis. Mais qu'en est-il en Suisse?

La procédure débute mardi. Quel que soit le résultat final, elle est d’ores et déjà historique. Donald Trump est le premier président des Etats-Unis à subir deux procédures consécutives d’impeachment. La première, non-aboutie, visait à le chasser de la Maison Blanche alors qu’il dirigeait encore le pays. La seconde, lancée bien qu’il ne soit plus en exercice, entend l’empêcher de se représenter aux prochaines élections dans quatre ans en le rendant inéligible.

Alors que les élus et des bataillons d’avocats et conseils fourbissent leurs arguments, le monde musical commente l’événement à sa façon.

Les Californiens du groupe Sure Fire Soul Ensemble ont publié un 45 tours au titre sans équivoque: "Impeach The President". La chanson date en fait de 1973 et visait à l’époque un autre président: Richard Nixon, empêtré dans l’affaire des écoutes illégales du Watergate. Enregistrée par un obscur combo étudiant de Brooklyn – les Honeydrippers – la chanson n’avait guère eu de succès lors de sa sortie. Que ce soit dans les classements du hit-parade ou dans l’aboutissement de la procédure juridique visant le président.

Maigre consolation, "Impeach The President" est devenu l’un des titres les plus pillés de l’histoire de la soul, son introduction batterie-guitare ayant fait le bonheur de plusieurs générations de formations hip-hop sans que les Honey Drippers ne récupèrent le moindre droit d’auteurs. Pas sûr que le remake du Sure Fire Soul Ensemble parviennent à modifier le cours de l’Histoire…

Trump, le cauchemar des artistes

Quatre ans durant, Donald Trump aura été la bête noire des humoristes et des artistes. Et du coup, une source d’inspiration à la hauteur de la répulsion suscitée. Ainsi, retour de bâton, le rappeur Ice Cube livre en 2018 un "Arrest the President" rageur et implacable. Le gangster, ce n’est plus le Noir des ghettos de Los Angeles, mais le Blanc qui siège à Washington.

Suprême honneur, alors qu’il est encore le POTU (President of the United States), Donald Trump se voit gratifié d’un album complet par le comédien, humoriste et musicien Tim Heidecker. Un artiste qui s’affiche socialiste démocrate. Parue sur l’excellent label Jagjaguwar (Bon Iver, Angel Olsen), cette collection de douze chansons d’inspiration folk-pop s’intitule "Too Dump For Suicide": trop bête pour se suicider. La pochette montre un Donald Trump pointant sur sa tempe... un sèche-cheveux. Le ton du disque est presque mélancolique. Comme si Tim Heidecker pressentait le déclin de son sujet de prédilection: "depuis 2010, il a été le sommet de mes blagues et le pire de mes cauchemars…"

Qu’il s’agisse du répertoire folk ou du rap, du blues ou du rock, depuis le début du vingtième siècle, la plupart des présidents des Etats-Unis, historiques ou en exercice, ont eu droit à leurs chansons plus ou moins favorables. Eisenhower, Roosevelt, Lincoln ou encore Kennedy ont bénéficié de chansons positives soulignant leur action. Ronald Reagan, Richard Nixon ou George W. Bush n’ont en revanche pas été à la fête.

Parmi les artistes, Stevie Wonder se distingue. Le soulman se révèle en maître d’école à l’ancienne, attribuant les bons points ou griffonnant une remarque sévère dans le carnet de conduite. En 1974, Richard Nixon a droit à un sec "You Haven’t Done Nothing" ("Vous n’avez rien fait") alors que Barack Obama, en campagne pour sa réélection en 2012, reçoit un encourageant "Keep Moving Forward"("Continue d’avancer").

Stevie Wonder n’a pas encore commenté la présidence Trump. On peut douter que l’auteur de "Superstition" préconise un redoublement pour l’élève Trump.

Et en Suisse?

La discrétion légendaire du Conseil fédéral et une direction collégiale à sept ne favorisent guère la personnalisation et du coup l’écriture de chansons ad hominem. On note tout de même une belle tradition instrumentale menée par l’harmonie de l’Ecole de recrue de Aarau, laquelle possède un solide répertoire de marches consacrées à nos élus suprêmes. Et du coup, la Suisse a le chic de mettre en valeur non pas un mais une présidente…

Le pompon revient toutefois à deux messieurs. Côté positif, le socialiste Willy Ritschard, premier ouvrier – il était monteur en chauffage – devenu Président de la Confédération a droit à un mini-tube alémanique chaloupé façon ska-rock par le groupe new wave zurichois Hertz en 1982.

Côté négatif, l’UDC Christoph Blocher gagne la palme en 2007 avec un rap-rock rageur de Bligg & Greis auxquels s’est joint Stress, à voir ici.

Thierry Sartoretti/mh

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