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Bryan Ferry, itinéraire d'un dandy glam devenu gentleman rockeur

Le chanteur britannique Bryan Ferry au Coachella Festival, en Californie, le 11 avril 2014. [AFP - Jason Kempin / GETTY IMAGES NORTH AMERICA]
Le chanteur britannique Bryan Ferry au Coachella Festival, en Californie, le 11 avril 2014. - [AFP - Jason Kempin / GETTY IMAGES NORTH AMERICA]
Le documentaire "Don't Stop The Music" retrace le parcours du chanteur et pianiste britannique qui a été l'une des figures élégantes du novateur courant glam rock au début des années 1970, avant de se muer en crooner chic en solo.

Il a fêté le 26 septembre dernier ses 75 ans et a re-signé récemment la bande originale de la deuxième saison de la série allemande "Babylon Berlin" basée sur le roman de Volker Kutscher des années 1920. Bryan Ferry y revisite son inclination pour ce jazz sépia, surtout Billie Holiday, dont il avait déjà parsemé son album "Bitter-Sweet" voilà deux ans, parmi les reprises de titres marquants de sa carrière.

Recycler élégamment son passé, le chanteur britannique qui a participé à l'essor du glam rock au sein de Roxy Music au début des années 1970 s'y emploie classieusement depuis près d'un demi-siècle. Traversant les modes sans faillir malgré un parcours solo en dents de scie où il brille par intermittence, Bryan Ferry est resté une valeur sûre, voire refuge.

Le documentaire que lui consacre Catherine Ulmer, "Don't Stop The Music", titre qui fait écho à sa fameuse chanson "Don't Stop The Dance", revient sur la trajectoire exemplaire de ce crooner chic et courtois qui est monté sur scène la première fois adolescent dans une pièce de Shakespeare. Avant de s'intéresser à l'histoire de l'art puis de se décider à écrire une page de la pop en devenant chanteur et pianiste, façon dandy anglais à voix de velours, jusqu'à devenir avec Marc Bolan (T.Rex) et David Bowie l'autre éternelle incarnation du fardé glam rock.

Fils d’un paysan devenu mineur, gentleman rockeur qui a grandi dans l’Angleterre ouvrière de l’après-guerre et a travaillé comme commis chez un tailleur, enfant du Swinging London croyant à la musique comme à un art total et épris de Marcel Duchamp, Bryan Ferry déroule ici posément sa vie ayant pourtant connu quelques remous et excès, comme revenu de tout, des addictions comme des honneurs. Il évoque avec simplicité ses coups de chance, ceux apportés par sa famille aimante, par son stimulant mentor, l'artiste Richard Hamilton, ses succès précoces. Autant de bonnes fées qui se sont penchées sur cet esthète avant-gardiste qui a signé à la tête chantante de Roxy Music l'une des pages importantes de l'histoire de la musique.

Le chanteur britannique Bryan Ferry fait l'acteur au côté de Marie-Christine Barrault dans "Petit déjeuner compris" (1980), film français de Michel Berny. [AFP - antenne 2/ Collection Christophe]
Le chanteur britannique Bryan Ferry fait l'acteur au côté de Marie-Christine Barrault dans "Petit déjeuner compris" (1980), film français de Michel Berny. [AFP - antenne 2/ Collection Christophe]

Le glam rock sulfureux et théâtral

Cristallisant au bout de ses doigts et de la voix de Ferry aussi bien le glam rock, la tradition des cabarets européens, la soul américaine que la musique concrète, Roxy Music inventait le "copier-coller", la superposition d'éléments sonores disparates dans un pop art musical facile à reproduire. Un concept qui a germé dans la tête de Ferry au sortir de son école d'art de Londres, alors qu'il pianotait, composait et chantait déjà.

Entre les mouvements hippie et punk, le glam rock vient surtout secouer l'ennui qui caractérisait l'Angleterre conservatrice en explorant de nouveaux champs musicaux dans un répertoire théâtral, sulfureux et atmosphérique où les synthétiseurs pilotés alors par Brian Eno règnent en maître des effets hypnotiques. Pétri d'influences littéraires et cinématographiques, le glam entremêle intensément dadaïsme, existentialisme, excentricité vestimentaire et pop sur une courte durée de cinq ans dont l'héritage décadent n'a cessé depuis d'innerver d'autres genres comme le punk, la new wave, le rock gothique ou la pop électronique.

En cinq albums entre 1971 et 1975, avant une reformation de 1978 à 1983 et quelques retours occasionnels, Roxy Music transcende et électrise le glam rock par sa désinvolture stylée et son audace esthétique où le futurisme est teinté d'un romantisme qui sied à merveille à Bryan Ferry. A l'image du magnétique titre "Love is the Drug" (1975) ou du très sensuel "Avalon", extrait du huitième et dernier album du groupe en 1982, où le pianiste joue à ce crooner de charme qu'il risque de rester pour l'éternité.

Olivier Horner

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