On la considère – à raison – comme la plus grande virtuose de sa génération. En dépit de son art de vivre bohème, d’une carrière par moments interrompue, elle est restée d’une constance remarquable.
>> A l'occasion de ses 80 ans, RTS- Espace 2 consacre à Martha Argerich une émission spéciale le 5 juin 2021:
Elle aurait pu se complaire dans des interprétations figées dans le marbre ou, au contraire, essayer de se distancier de son personnage volontiers qualifié de "fantasque" en fabriquant une sorte d’ "émotion musicale". Mais "Martha" reste "Martha". Sur scène, elle ne triche jamais (même son trac se voit): elle est d’un naturel confondant.
Martha Argerich au Victoria Hall, à Genève, en 2010. [Georges CABRERA - RTS]
Elle, qui peut tout jouer, se concentre aujourd’hui sur quelques œuvres, toujours les mêmes, le Concerto en sol de Ravel, le Deuxième et le Troisième de Prokofiev, des Rachmaninov à deux pianos avec Nelson Freire, Nelson Goerner ou Daniel Barenboim, des sonates avec Renaud Capuçon… Ce qui est frappant, c’est qu’elle trouve toujours de nouveaux accents, un contrechant à la main gauche qu’on n’a jamais entendu jusque là. C’est qu’il y a dans son toucher une fermeté, quelque chose d’impérieux et d’évident qui n’est qu’à elle, elle est de plein pied avec ces grands nerveux que furent Schumann ou Chopin, comme si elle était en conversation intime avec eux. On voit ses lèvres bouger sans cesse quand elle joue. Que dit-elle? Parle-t-elle à ses mains, si sèches, si dures, mais si tendres quand il le faut?
Comment et pourquoi les pianos sonnent-ils différemment sous ses doigts (on pourrait le dire de tout grand pianiste)? En tout cas, il y a un son Argerich. C’est un grand mystère. Certains disent être dans le secret. Elle travaillerait inlassablement, au plus profond de la nuit, quand tout dort, vers trois ou quatre heures du matin. Allez savoir!
En général, les pianistes deviennent légendaires longtemps après leur mort, Hoffman, Moisewitsch, Godowsky, Cortot… Argerich le fut tout de suite, dès qu’elle eut remporté le Concours de Genève en 1957. On la voit sur les photos de l’époque. La silhouette était nerveuse et l’immense chevelure d’un noir de jais. La bouche déjà boudeuse, elle consentait à poser avec les messieurs du jury. Insolente et libre.
Martha Argerich. [RTS]