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Fernando Garnero: "Ecoutez s'il vous plaît notre musique avec un casque!"

Ecouter de la musique, oui mais au casque! [Depositphotos]
Ecouter de la musique, oui mais au casque! - [Depositphotos]
Comment composer de la musique alors que l'on ne sait pas comment elle pourra être jouée et écoutée? Pour le compositeur Fernando Garnero, le streaming bouleverse tous les codes et ne remplace en aucun cas l'écoute collective du concert.

Il y a le développement ultra rapide de plateformes de streaming, des concerts proposés en direct dans votre salon par le biais d'application de réunion vidéo en live. Mais ils ne remplacent pas une écoute collective. La musique sort des haut-parleurs, ces "grands broyeurs" comme les appelait Pierre Boulez.

"Un compositeur prépare une œuvre pour un moment précis et pour des conditions précises" explique Fernando Garnero, compositeur argentin résidant à Paris. Co-fondateur de l'ensemble Vortex à Genève, il reçoit des commandes de l'ensemble Contrechamps mais aussi de festivals internationaux, comme le BIFEM en Australie.

Actuellement je compose mais je n’ai aucune certitude sur ce qui va arriver à la musique que je suis en train de composer. A l’heure où je vous parle, j’essaie de faire comme si on allait retrouver une situation normale, parce que le contraire est plutôt anxiogène.

Fernando Garnero, compositeur

Aucune certitude sur la suite

Pour lui, des concerts auront certainement lieu à nouveau, mais nul ne ne peut prédire dans quelles conditions. "Pour la pièce que j'écris en ce moment, et qui sera créée au festival BIFEM en Australie, les co-productions seront peut-être localisées. C'est-à-dire qu'au lieu d'inviter des ensembles sur place, ceux-ci se produiront localement et seront diffusés en streaming. Cette situation pose une question spatio-temporelle fondamentale! Il ne s'agit pas uniquement de ne pas pouvoir se retrouver dans le même espace. Le découpage temporel disparaît lui aussi. Si un concert est posté sur internet et que tout le monde peut le voir et l'entendre quand et comme il le veut, cela devient vertigineux pour nous, les compositeurs" détaille Fernando Garnero.

Le compositeur écrit toujours en ayant en ligne de mire le futur concert. "Nous sommes habitués à penser dans le futur, à imaginer comment la musique 'sonnera' à un instant précis. Le moment du concert est notre boussole, notre point d'arrivée. Aujourd'hui, cette évidence est totalement chamboulée. La chaîne de rencontre qu'est la création musicale et qui nous amène à ce rituel du concert n'existe plus. C'est le moment de réfléchir, de proposer d'autres choses, mais au moins, s'il vous plaît, écoutez notre musique avec un casque!" exhorte-t-il.

Musique pour le confinement

Dans l'immédiat, l'émission "Musique d'Avenir" (Espace 2) a demandé à une quarantaine de compositrices et compositeurs de ou en lien avec la région d'envoyer une pièce de leur choix en lien avec le confinement et la situation actuelle. Le message a été bien accueilli, puisqu'une vingtaine d'œuvres ont été reçues. Certaines ont été diffusées le 6 avril dernier. Elles sont signées Lee Maddeford, Marco Suarez Cifuentes, Helga Arias Parra, Barblina Meierhans, Kevin Juillerat, Franciso Meirino, Patricia Bosshard, Martin Schütz, Benoît Moreau, Daniel Zea, Emmanuelle Gibello, Arturo Corrales et Hans Koch.

D'autres compositions seront diffusées le 4 mai prochain.

Anne Gillot/mh

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