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Le sens de la comédie humaine chantée de Katerine déride Antigel

Le chanteur français Philippe Katerine sur la scène de la Halle7 de Palexpo, à Genève, durant le festival Antigel, le 31 janvier 2020. [Antigel 2020 - amdophoto]
Le chanteur français Philippe Katerine sur la scène de la Halle7 de Palexpo, à Genève, durant le festival Antigel, le 31 janvier 2020. - [Antigel 2020 - amdophoto]
Le fantasque chanteur français s'est produit jeudi soir à la Halle 7 de Palexpo, à Genève, dans le cadre du festival Antigel. Son spectacle où la comédie humaine est plus que jamais reine et la dérision légion a ravi quelque 2000 spectateurs.

Une narine géante de latex trône en fond de scène sous un ciel bleu parsemé de nuages. Katerine fait son apparition par un naseau, pyjama gris moulant sur kimono bordeaux moiré, boa noir et écharpe assortie. Autant dire que le décor, le kitsch toujours assumé, est planté et que le ton, à la dérision, est donné.

Ses cinq musiciens et musiciennes (batterie, percussions, claviers-saxophone, guitares, basse) font écho au look improbable du chanteur français en revêtissant quant à eux un pyjama bordeaux tout aussi seyant. Et Katerine de jouer d'emblée avec son public acquis, en coupant et remontant le son à plusieurs reprises pour susciter les réactions, avant d'entamer un show de deux heures par ce "BB Panda" qui taille des croupières à Macron ("Même le Président Macron ne sait pas s'il est bon/Comme un con"), puis de s'amuser au fil de "Stone avec toi" alors que surgissent soudain plusieurs grands doigts gonflables sur scène quand il est question d'amour et de plaisir.

Loufoqueries érigées en art majeur

Le président français plénipotentiaire tout comme le bouffon du roi de la soirée se nomme donc bel et bien Philippe Katerine qui, pour ses 50 ans, s'est offert fin 2019 un nouvel album en forme de dix-huit "Confessions" pleines d'extraversions textuelles et d'hybridations sonores. Où il réactive les excentricités et loufoqueries qu'il a érigées en art majeur depuis près de trente ans et où se rejoue la comédie humaine.

Car derrière le vernis fantasque de ses chansons, Katerine aborde l'air du temps et son époque trouble avec aplomb, dérision et clairvoyance, en évoquant aussi bien le sexe que la paternité, la mort, le racisme, l'homophobie ou la politique. Ainsi de "Blond", chanson parlant sans l'air d'y toucher de discrimination et de la manière de fustiger l’hypocrisie ambiante de notre société. Et aussi de "88%", en duo virtuel vocal avec le rappeur Lomepal à Genève, qui traite d'homophobie avec humour: le refrain déjà culte "88% des mecs sont pédés/ (…) Mais 73% veulent pas se l'avouer ".

Avant de terminer la première partie foutraque de son concert, Katerine se lance dans un long medley qui rassemble un pan de son répertoire, le doux "Des Bisous"/ "La Reine d'Angleterre" très à propos/ "Moustache"/ "Philippe"/ le fameux "Le 20-04-2005" où il croise Marine Le Pen/ "Malaise"/ "Sexy Cool" et le jouissif "KesKesséKçetruc" qui cite Freud et Hugh Hefner sur un même plan, loue la masturbation et liste une ribambelle de synonymes du sexe masculin.

Le sexe sans tabous

Car oui, Katerine chante sans tabous ni complexes le sexe dans tous ses états. Jusqu'au désopilant "La clef" basé sur l’injonction-phare "Ouvre l’anu", qui favorise aussi la respiration et qui, à la Halle 7, se mue en "une chanson de service à la personne" dans un éclat de rire général. Avant que dans "Point noir sur feuille blanche" le chanteur évoque la bifle façon porno-rap et que "Rêve affreux" mette en scène un Katerine regardant un gang bang sur Youporn pendant que sa femme le trompe avec Beethoven.

Dans ce concentré chanté haut en couleurs d'une heure passé encore par "La banane" et adressé au "peuple de haute montagne" que nous Suisses sommes, l'excentricité a prédominé plus que de raison. Le second temps du concert sera plus doux, calme, avec costard bleu sur pull blanc et fausses oreilles pour le chanteur d'abord, saxophone langoureux, duos vocaux avec sa percussionniste et mid tempos qui s'insinuent dans des titres comme "Bonhommes", "La converse", "Duo" et un "Patouseul" où il se fait traîner hors de scène par un roadie. Pour mieux revenir, torse nu et serviette blanche sur le torse lessivé par tant de groove, avec "Parivélib'", puis un "Moment parfait" chanté a cappella en peignoir blanc.

L'épilogue de cette prestation en forme de performance marathon où les cocasseries ont côtoyé les réflexions plus profondes sera en tout cas parvenue à laisser des sourires, éclats de rires et étoiles dans les yeux à de nombreux spectateurs. Katerine a décidément le sens du divertissement ébouriffant intelligent.

Olivier Horner

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