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Sahra Halgan, le combat par la musique

Visuel de l'album "Waa Dardaaran" de Sahra Halgan.
Barkhad Mohamoud Kaariye
Buda Music [Buda Music - Barkhad Mohamoud Kaariye]
Sahra Halgan, la musique d'une combattante / Magnétique / 32 min. / le 9 décembre 2019
Hommage au Somaliland, à la France et à l'amour, le nouvel album de la chanteuse somalilandaise Sahra Halgan mêle rock et musiques traditionnelles. Elle donnera deux concerts en Suisse en avri 2020.

Sahra Halgan commence la musique à 13 ans, à l'école. "On emmenait les filles qui étaient trop énergiques jouer au basket. Près du terrain, il y avait un endroit où des artistes chantaient tranquillement. Je leur ai demandé si je pouvais chanter un morceau, et comme ils étaient en train de former un groupe avec d'autres jeunes, je leur ai demandé si je pouvais les rejoindre. C'est ainsi que tout a commencé!"

Il faut dire que la musique coule dans les veines de la jeune fille. Son grand-père était musicien, du côté de sa mère. "Pourtant, du côté de la tribu de mon père, chanter est interdit pour les femmes", dit-elle. Malgré cette interdiction, la jeune Sahra Halgan va s'accrocher. Pendant la guerre, elle chante pour soutenir les combattants. Elle devient aussi infirmière. "Lorsqu'on n'avait plus d'antidouleurs, je chantais avec les blessés jusqu'à ce qu'ils s'endorment", raconte-t-elle.

La France, pays d'accueil

Arrivée à Lyon il y a vingt ans pour fuir la situation chaotique d'après-guerre en Somalie, Sahra Halgan est reconnaissante envers son pays d'accueil. "La France m'a tendu les bras. J'avais la phobie de la police et des militaires, car ce sont eux qui nous ont chassés de chez nous. Mais la police française m'a dit que je pouvais rester. J'ai rajouté un couplet à la chanson "Hiddo" sur mon album. Les paroles disent que même si le pays est détruit, il faut se lever pour avancer ensemble et que je n'oublierai jamais la France."

Les gens qui viennent écouter ma musique sont de toutes les couleurs et de toutes les religions, c’est magnifique. En ce moment dans le monde où on vit, la musique est la seule chose qui nous réunit.

Sahra Halgan

Musique traditionnelle somalilandaise et rock'n'roll

Mélange entre influences traditionnelles somaliennes, éthiopiennes et rock, la musique de Sahra Halgan est à l'image de ses musiciens, avec lesquels elle joue depuis plus de dix ans: "On a décidé de garder l'identité de chacun: Aymeric le percussionniste est Malien, Maël le guitariste vient de l'univers du rock, je garde mes mélodies somalilandaises, et on mélange tout!"

Sorti cette année sur Buda Musique, l'album "Waa Dardaaran" jongle entre compositions originales, morceaux traditionnels et chansons issues de l'âge d'or musical somalien, du milieu des années 1970 au début des années 1980. "Pendant ces années, il y avait toutes sortes de musiques, des discothèques, et tout était joué en live", raconte la chanteuse qui a acquis ses techniques de chant, traditionnelles ou non, en autodidacte: "Il n'y a pas d'école de chant chez nous. C'est naturel; soit tu chantes, soit tu ne chantes pas."

Un centre culturel pour encourager la relève

En 2013, la chanteuse retourne dans sa ville natale, Hargeisa. Elle y crée un centre culturel consacré à la musique vivante, la culture traditionnelle et à la poésie, nommé Hiddo Dhawr. Elle y chante tous les jeudis et vendredis. Malgré sa carrière fructueuse, Sahra Halgan rencontre encore des obstacles lorsqu'il s'agit de chanter dans son pays: "Aujourd'hui, j'écris des chansons dans mon propre centre culturel, et il y a encore des hommes qui viennent et qui me disent 'vous êtes assez grande maintenant, vous avez des filles, vous n'avez pas honte de continuer à chanter?' Je leur réponds: "Écoutez-moi bien. Pendant la guerre, ce n'était pas interdit de chanter. Alors pourquoi maintenant? J'ai un doctorat: c'est de chanter. Alors laissez-moi tranquille." Ils s'en vont, mais trois mois après ils reviennent! Ils ne se fatiguent jamais."

Propos recueillis par Anne Gillot

Adaptation web: Myriam Semaani

A Zurich au Kulturmarkt le 8 avril, et à Lausanne au Bourg le 9 avril 2020.

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