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Olga Neuwirth, première compositrice programmée par l'Opéra de Vienne

La compositrice autrichienne Olga Neuwirth.
Harald Hoffmann [DR - Harald Hoffmann]
Pour la première fois, lʹOpéra de Vienne produit lʹopéra dʹune femme / Magnétique / 13 min. / le 27 novembre 2019
Le 8 décembre 2019, "Orlando", opéra d'Olga Neuwirth, sera joué dans le prestigieux Wiener Staatsoper. En 150 ans d'existence, c'est la première fois que la célèbre maison programme une oeuvre composée par une femme.

Depuis son ouverture en 1869 avec une représentation de "Don Giovanni" de Mozart, la mythique salle de Vienne n'avait jamais programmé une oeuvre écrite par une femme. Un manque qui sera comblé dès le 8 décembre avec la création d'"Orlando", une adaptation du roman de Virginia Woolf signée Olga Neuwirth.

J’ai vraiment envie de secouer un peu ce lieu merveilleux et un peu vieillot.

Olga Neuwirth, compositrice

Souvent étiqueté comme l'un des arts les plus misogynes, le monde de l'opéra est en train de changer. En 2016, le Metropolitan de New York a produit son premier opéra écrit par une femme: "L'amour de loin" de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho. Le Royal Opera House de Londres a promis de faire des efforts, et on espère que cette première au Wiener Staatsoper est l'amorce d'une volonté d'un changement radical du côté de Vienne.

"Orlando", une œuvre qui questionne les genres

Et ce n'est pas un hasard si la compositrice autrichienne de 51 ans, connue pour son engagement et son tempérament sans concession, a choisi d'adapter "Orlando", de Virginia Woolf (1928), considéré comme le premier roman transgenre.

A la fois biographie imaginaire de l'auteure et symbole de sa passion pour la poétesse Vita Sackville-West avec laquelle elle a entretenu une relation amoureuse, "Orlando" raconte l'histoire d'un jeune noble anglais courtisan de la reine Elisabeth 1er. Un jour, il commence à se sentir différent puis devient une femme. Le roman se termine avec un Orlando devenu une écrivaine à succès grâce à un poème écrit tout au long de sa vie et qui lui vaut un prix littéraire.

Olga Neuwirth a lu "Orlando" quand elle avait 15 ans. Pour son adaptation à l'opéra, elle a souhaité "ne pas seulement se pencher sur le genre, mais aussi questionner tous les systèmes binaires" explique-t-elle dans une interview donnée au Guardian. "Orlando est un être humain remarquable qui remet en question toute forme de dualité et éprouve un sentiment d'"entre-deux" dans la vie et dans l'art. Il s'agit de la liberté d'expression, d'être qui vous êtes, de choisir l'identité que vous aimez et de ne pas être mis dans un tiroir si vous êtes un homme ou une femme."

Un acte de survie

Olga Neuwirth a écrit le livret de son opéra en 19 scènes en collaboration avec l'auteure de pièce de théâtre Catherine Fillioux. La mise en scène est assurée par la directrice anglaise Polly Graham et les costumes créés par la directrice de la ligne de prêt-à-porter Comme des garçons, Rei Kawakubo. Quant au rôle de l'enfant d'Orlando, il est joué par l'artiste de cabaret américain transgenre Justin Vivian Bond.

Pour Olga Neuwirth, placer des femmes à des rôles clefs de cette production est plus un acte de survie qu'une volonté de dénoncer. Car si le paysage professionnel s'est un peu ouvert aux créatrices femmes, depuis 30 ans, le goût pour la prise de risque et l'investissement pour la musique nouvelle a diminué dans les grandes maisons et dans les grandes salles: "La plupart des maisons d’opéra sont malheureusement devenues des musées" assène la compositrice. "Le fait de confier aux jeunes artistes l'opportunité de créer sur des sujets contemporains, tout en les combinant avec des techniques musicales nouvelles, ce fait-là, est de plus en plus rare, plus rare encore que dans les années 70".

Une inspiration sans borne

Avec l'énergie d'une tornade, cette créatrice hors norme se caractérise par une liberté de forme et de ton, souvent caustique et piquant. Tous les sujets sont abordés dans ses œuvres, qu'ils soient politiques, sociétaux ou esthétiques.

Elle puise son inspiration aussi bien dans les arts visuels - son "Hooloomooloo" trouve sa source dans un triptyque de Franck Stella -, dans la culture underground avec une œuvre autour de l'icône new wave des années 80 Klaus Nomi, en passant par le cinéma et, avec "Orlando", la littérature.

Sujet radio: Anne Gillot

Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente

"Orlando", Olga Neuwirth, 8, 11, 14 et 18 décembre 2019, Wiener Staatsoper

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