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Mohamed Mazouni, la pop façon Maghreb

Le chanteur Mohamed Mazouni. [Capture d'écran Youtube]
Mazouni, roi de la pop francarabe / Magnétique / 14 min. / le 7 octobre 2019
Il était le chanteur des immigrés arabes en Métropole. Energie rock et culture orientale dans les années 1970. Une réédition splendide rend hommage à l’auteur de "Adieu la France". Toujours actif à 80 ans, il chante désormais la démocratisation en Algérie.

"J’étais un chanteur d’orientation, un artiste social. Je disais aux émigrés comment se comporter dans leur pays d’accueil. Mon public, mes thèmes, c’était la vie des émigrés algériens, marocains ou tunisiens. Je ne suis jamais allé à l’école. Le français, je l’ai appris comme ça: dans la rue. La langue de mes chansons, c’était le francarabe. On dit aussi le français café."

Dans les années 1970, Mazouni chante la France des foyers de travailleurs, les bistrots et les cabarets de la France PLM, soit Paris-Lyon-Marseille, les trois capitales de la communauté maghrébine en métropole. Son répertoire: des histoires de cafard ("Je n’aime pas le jour, je n’aime pas la nuit"), d’aller et retour à travers la Méditerranée ("Adieu la France"), des amours malheureuses ("Chérie Madame"), de dèche ("Clichy")…

Le ton, l’énergie, sonnent parfois rock occidental, l’inspiration reste généreusement orientale. "Toi debout devant la porte, c’est combien la passe? Je ne monte pas avec toi parce que tu es un Arabe. Regardez-moi cette salope. Raciste même lorsqu’il s’agit d’amour tarifé…", chante Mazouni dans "L’amour maak". C’est cru. C’est direct. Comme le quotidien d’un jeune Algérien déraciné et confronté au mépris raciste.

Une seconde jeunesse artistique

Depuis son domicile de Blida en Algérie, Mohamed Mazouni savoure une seconde jeunesse artistique. Ses 45 tours des années 1970 et 1980 étaient introuvables ou proposés à des prix faramineux dans les bourses de collectionneurs. Les voici réédités et célébrés. Il y a d’abord eu les reprises en France par Rachid Taha, Zebda, l’Orchestre National de Barbès ou encore Mouss et Hakim, des artistes issus de la migration qui ont repris son répertoire.

Et l’on peut désormais se procurer "Mazouni, un dandy en exil", une généreuse compilation de ses anciennes chansons parue chez les rockeurs français de Born Bad Records sous une splendide pochette de l’artiste Loulou Picasso.

Avant le raï, l’Algérie possédait déjà sa propre musique pop-folk orientale, âpre et directe dans ses thématiques. Ses héros se nommaient Ahmed Wahby, Slimane Azem, Dahmane El Harrachi et bien sûr Mazouni, toujours tiré à quatre épingles et jonglant avec les expressions françaises et arabes.

Leur répertoire parfois explicite a fortement influencé la génération des Cheb, Khaled, Mamie et autre Kader. On peut trouver leurs chansons sur le formidable "Diwan" (volume 1 et 2) d’un Rachid Taha soucieux de rendre hommage à des musiques qui l’avaient au moins autant marqué que le rock punk de The Clash.

Chanter l'Algérie nouvelle

A 80 ans, Mazouni est toujours actif. Il publie désormais régulièrement de nouvelles compositions sur Youtube. Ses anciennes chansons sont devenues des classiques à l’instar de son hommage à Travolta.

Quant aux nouvelles chansons, marquées par l’omniprésence de l’autotune sur la voix du chanteur, elles cartonnent sur le net. Mazouni y poursuit dans sa veine d’observateur social branché sur les dernières tendances de l’actualité.

Il chante désormais les manifestations pour la démocratisation de l’Algérie ou la lutte pour le climat. Publiée il y a quatre mois, son "Algérie nouvelle" ne compte pas loin plus de 1,8 millions de vues.

Thierry Sartoretti/aq

Mohamed Mazouni, "Mazouni, un dandy en exil" (Born Bad Records).

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