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Derya Yildirim, un éclair dans la pop turque

Derya Yldirim et son groupe Simsek. [facebook.com/deryayildirimandgrupsimsek]
Derya Yildirim ou la pop turque au sommet / Magnétique / 15 min. / le 17 juin 2019
La chanteuse et instrumentiste de Berlin délivre un premier album fabuleux sur une maison de disques suisse. Et confirme la percée en Europe d’un genre musical alliant Orient et Occident.

Il se passe un truc avec les Turcs. En l’espace de deux ans, voici le deuxième groupe qui apparaît sur les scènes européennes et capte l’attention avec une musique imparable. Un mélange chaloupé, irrésistible, de pop psychédélique, de mélopées anatoliennes, de groove et de textes chantés dans la langue d’Orhan Pamuk avec une certaine nostalgie pour les années 70.

Avec un tel carburant détonnant, le groupe Altin Gün a connu un triomphe au dernier Festival Paléo. Et voici aujourd’hui Derya Yildirim avec son groupe Şimşek. Imaginez les Doors qui auraient délaissé Jim Morrison au profit d’une chanteuse turque et vous aurez une première idée de la force et de la séduction de cet ensemble dont le nom traduit signifie l’Eclair.

Le baglama, une évidence

"Mon instrument, c’est le baglama. Un instrument folklorique turc. Ou disons plutôt un instrument issu du peuple. En jouer était une évidence. J’ai appris à en jouer avant même de savoir l’alphabet", note Derya Yildirim. Le baglama, c’est une sorte de luth à trois doubles cordes pourvu d’un manche très fin. C’est l’instrument par excellence de la musique des collines d’Anatolie au son immédiatement identifiable. Dans Şimşek, le baglama de Derya dialogue avec une batterie, une guitare électrique et des claviers vintage. Irrésistible.

Outre leurs affinités musicales, Altin Gün et le groupe de Derya Yildirim partagent deux autres points communs. Ce sont des enfants de l’immigration turque en Europe: Altin Gün est basé à Amsterdam, Derya Yildirim habite aujourd’hui Berlin après être née il y a 25 ans à Hambourg. Ces deux groupes sont également liés à la maison de disques genevoise Bongo Joe, caisse de résonance entre musiques du monde et scène indépendante.

La musique comme acte politique

Premier album de Derya Yildirim, "Kar Yağar" assemble les compositions de la chanteuse et instrumentiste plus des reprises soigneusement choisies parmi quelques symboles forts de la culture turque contestataire. Ainsi le poète engagé Nazim Hikmet qui a passé une partie de sa vie en prison, la chansonnière Selda Bagcan (joueuse de baglama elle aussi) longtemps privée de son passeport ou encore Aşik Mahzuni Şerif, le barde anatolien contraint à l’exil en Allemagne suite à un attentat.

Explications de Derya Yildirim: "Je n’ai pas commencé la musique dans un but politique. Avec le temps c’est cependant devenu une évidence: le fait même d’être une femme qui se tient sur scène est un acte politique, un devoir aussi. Celui d’utiliser cette position privilégie pour transmettre des messages." Derrière les mélodies, la pop et les rythmes à danser vibre ici une histoire dense et complexe.

Thierry Sartoretti/aq

Derya Yildirim et groupe Şimşek, "Kar Yaĝar", chez Bonjo Joe.

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