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"Travailler dans la salle de concert de Lucerne était mon rêve"

Corinne Muggli a trouvé son travail de rêve au coeur du KKL, à Lucerne. [SRF - Claudia Herzog]
Corinne Muggli a trouvé son travail de rêve au coeur du KKL, à Lucerne. - [SRF - Claudia Herzog]
Au coeur de la prestigieuse salle de concert de Lucerne, une petite équipe veille au fonctionnement de ce bijou acoustique, de réputation mondiale. La techniscéniste Corinne Muggli dévoile ce travail d'orfèvre.

C'est un hasard du destin qui a conduit Corinne Muggli au job de ses rêves. Un jour, il y a des années, une correspondance manquée en gare de Lucerne, lui fait faire un tour dans la ville. A la recherche d'un café, elle tombe en arrêt devant la façade spectaculaire du KKL, centre culturel multifonctionnel construit par Jean Nouvel en 1998. Quelque chose l'attire alors irrésistiblement vers ce grand bâtiment arrimé au bord du lac. "J'ai senti que ma place était ici".

Un temple de l'acoustique contemporaine

Et en effet, il y a huit ans, elle entre au sein de l'institution. Les premières années, elle s'occupe de logistique et d'organisation. "Mais j'étais toujours aimantée par le coeur de la maison, la salle de concert. Lorsqu'on me demandait où je me projetais professionnellement, je répondais invariablement: "Un jour je veux être celle qui dépose sur scène la partition du chef d'orchestre". Quatre ans plus tard, elle réalise son rêve et rejoint l'équipe technique qui oeuvre dans le saint des saints: la salle de concert.

Avec ses trois collègues, Corinne Moggli préside désormais aux réglages millimétriques du dispositif extrêmement sophistiqué conçu par l'acousticien américain Russel Johnson en collaboration avec l'architecte Jean Nouvel. Dotée d'une technologie de pointe, "la Salle blanche" est internationalement reconnue comme l'un des exemples les plus accomplis de l'acoustique contemporaine.

Corinne Muggli règle l'acoustique de la salle grâce à une console. [SRF]

Sur le plan de la forme, elle s’inspire de la géométrie des meilleures salles de concert classique: longue, étroite et très haute. Et ses 1890 places offrent toutes une qualité de réception optimale.

Dans le secret des chambres d'écho

"Nous avons la chance d’avoir une salle à l’acoustique exceptionnelle, de par sa conception même. Ses courbes distribuent le son de façon à permettre une écoute excellente partout, même jusqu'aux places du fond". Et cela grâce à la caisse de résonance en forme de coque de bateau qui dispose de chambres de son et d’écho réglables électriquement. A l'équipe technique de les moduler afin le son atteigne le niveau de brillance, de clarté ou de sécheresse désiré par les solistes ou les chefs d'orchestres.

Un travail long et minutieux, élaboré durant les répétitions que Corinne suit avec assiduité.

Lorsque la salle est pleine, nous pouvons ouvrir ces chambres d'écho afin que le son ne s’assèche pas et garde toute sa rondeur et sa beauté en dépit de la salle comble.

Corinne Muggli, techniscéniste de la salle de concert du KKL

"Grâce à cinquante-deux portes massives en béton, le volume de la chambre de réverbération permet, si besoin, d'accroître le volume acoustique total de presque un tiers." Pour des formations orchestrales importantes, ces portes sont plus largement ouvertes, afin de donner davantage d'espace au son orchestral.

A l'inverse pour des concerts de musique de chambre, elles demeurent fermées, pour créer une acoustique plus intime et plus resserrée. "On peut aussi éviter qu'un instrument comme une percussion ne domine trop." Des possibilités d'ajustement sonore extraordinaires, qui font le bonheur des artistes, du public, mais aussi de l'équipe technique.

L'amour de la musique, de la technique et des artistes

Les qualités requises pour cette fonction? Un goût certain pour la technique, et l'amour de la musique bien sûr. "Mon compositeur préféré est Bruckner, mais au KKL nous nous devons d'être ouverts à d'autres styles musicaux, car nous offrons aussi des concerts de jazz et autres". Mais il faut aussi des qualités humaines. Quand il s'agit d'accompagner le coeur battant les musiciens jusqu'au seuil de la représentation pour un ultime toï toï toï. Quand il faut faire face instantanément aux imprévus inhérents aux spectacles vivants, comme ce chef qui a oublié sa baguette, ou ce soliste qui a égaré sa partition.

Et bien sûr de la passion, celle que Corinne Moggli transmet avec un sourire radieux: "je vis chaque jour de travail dans cette salle comme une chance et non comme un devoir".

Auteures: Karin Salm (texte) et Claudia Herzog (vidéo), SRF Kultur

Traduction et réalisation web: Manon Pulver

>> Cet article a été publié initialement sur SRF Kultur. A lire ici (en allemand)

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