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Marina Skalova: "Les réseaux sociaux sont le spectacle de notre paralysie"

Marina Skalova. [DR - Yvonne Böhler]
L'invitée: Marina Skalova, "Exploration du flux" / Vertigo / 40 min. / le 30 juillet 2018
Née à Moscou, élevée à Berlin et Paris, Marina Skalova est écrivaine, poète et traductrice. Passionnée par la question migratoire, elle parle de son dernier livre "Exploration du flux".

Dans son troisième livre "Exploration du flux", Marina Skalova retrace l'emballement politico-médiatique, mais aussi les dérapages linguistiques qui ont conduit l'Europe à abandonner sa politique d'asile, et à renoncer à "ce plus jamais ça" qui avait pourtant marqué sa conscience à la fin de la Seconde Guerre.

Le doute comme engagement

L'écrivaine née à Moscou à la toute fin de l'Union soviétique, élevée en Allemagne et en France, se méfie pourtant de la posture de l'écrivain engagé, trop monolythique.

Je ne suis ni un porte-voix, ni un porte-drapeau. J'écris dans les limites de mon humanité, de ma subjectivité, avec mes ambivalences, mes contradictions, mes doutes

Marina Skalova, écrivaine, poète et traductrice

Il faut prendre à la lettre le titre de son ouvrage: "Exploration du flux". Flux migratoires, financiers, marins, linguistiques et bien sûr corporels. "Le corps pose la question du territoire: jusqu'où l'autre peut-il m'accueillir, me pénétrer, m'enchanter, m'envahir? Il pose de manière concrète la question des limites et des frontières", affirme cette polyglotte, héritière de plusieurs cultures.

La langue et ses usages

Mélange de prose et de poésie, son livre est une mise à nu de la langue, débarrassée de ses glissements sémantiques, de ses clichés, de ses formules toutes faites. "Il s'agit de se réapproprier le sens des mots", dit-elle. C'est aussi un jeu sur ses sonorités, ce qui parle à l'oreille même si le sens nous échappe, comment les enfants peuvent s'émerveiller devant certains mots colorés, musicaux, rigolos, évocateurs, mystérieux.

Mise en scène de notre impuissance

Dans "Exploration du flux", il est aussi beaucoup question des réseaux sociaux: "C'est le lieu où le contemporain se joue, avec ses ambivalences. A la fois dotés d'un fort potentiel démocratique, comme on l'a vu pendant les printemps arabes, les réseaux sociaux sont aussi un piège, un substitut à l'espace public, un enfièvrement collectif sans possibilité d'agir sur le réel. Le virus du clic et du like ne fait que renforcer le spectacle de notre paralysie", dit la traductrice et écrivaine vivant à Genève.

Propos recueillis par Linn Levy

Réalisation web: mcm

"Exploration du flux", de Marina Skalova (éditions du Seuil)

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