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L'écrivain Alexandre Gefen panse les maux et pense les mots

Alexandre Gefen [Alexandre Gefen - DR]
Alexandre Gefen: "Réparer le monde" / Versus-lire / 37 min. / le 29 janvier 2018
Dans "Réparer le monde", Alexandre Gefen propose une réflexion sur la littérature française du XXIe siècle qu'il qualifie de thérapeutique. Il évoque aussi l'élargissement de la notion de fiction.

Qu'est-ce qui caractérise la production littéraire française en ce début de XXIe siècle? Sa nature thérapeutique, explique le critique littéraire Alexandre Gefen dans son essai "Réparer le monde" aux éditions José Corti.

Cette littérature réparatrice se définit par une série de traits: son ambition à prendre soin du moi; à s'intéresser aux réalités sociales et environnementales; à dépasser les traumas individuels ou collectifs; à donner la parole aux victimes; à se consacrer aux oubliés de l'histoire; à encourager le sentiment d'empathie et à potentialiser l'individu au lieu de l'enfermer dans une seule vérité.

Une littérature vivante, proche des lecteurs, et soucieuse de son bien-être. Au risque, pour certains auteurs, de se retrouver au rayon "développement personnel" ou de tomber dans une forme de candeur en concevant la littérature comme une armoire à pharmacie.

Des fictions plurielles

Pour Alexandre Gefen, spécialiste des humanités numériques, cette production qui cherche à faire du bien peut se lire, soit comme un retour fécond et enthousiaste à une littérature humaniste - après la période très sombre de l'après-guerre -, soit comme une réduction utilitariste.

Le fondateur de Fabula.org. relève d'autres spécificités littéraires de ce début de millénaire. L'abandon du terme roman, par exemple, au profit de fictions beaucoup plus larges regroupant le récit d'enquête ou de voyage, la littérature de terrain, l'exofiction, l'autofiction, la biographie engagée, le journalisme littéraire, l'essai philosophique puisé dans sa propre expérience, etc.

La littérature amateure

Parallèlement à cette abolition des genres, le XXIe siècle s'est doté d'outils, comme internet et les réseaux sociaux, qui permettent à chacun de se raconter dans sa singularité. Bernard Pivot, par exemple, a fait de Twitter son cabinet des sentences comme d'autres ont fait de Facebook leur journal intime. "Tout homme, sans exception, porte en lui la virtualité d'écrire (...) Quand un jour (et ça sera bientôt) tout homme s'éveillera écrivain, le temps sera venu de la surdité et de l'incompréhension universelles" écrivait Milan Kundera dans "Le Livre du rire et de l'oubli".

Alexandre Gefen se montre moins ironique que Milan Kundera. Dans son essai, il constate plus qu'il ne juge.

La démocratie a gagné le monde des lettres. En terme quantitatif, les écritures amateures ont débordé sur la littérature officielle.

Alexandre Gefen, fondateur de Fabula.org. et auteur de "Réparer le monde", Editions José Corti

Dans ce nouveau foisonnement, reste une question: qui va décréter la qualité d'une oeuvre? Et Alexandre Gefen de rappeler que la critique aussi s'est démocratisée: Wikipédia a remplacé les encyclopédies et certains blogs ou sites amateurs comme Babelio sont devenus des prescripteurs très fiables.

Réalisation web, Marie-Claude Martin

"Réparer le monde", Alexandre Gefen, éditions Corti

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