Dans "Holly", l'enquêtrice de Stephen King affronte un couple d'octogénaires démoniaques
Quels secrets inavouables se cachent derrière la façade du 93 Ridge Road? Cette maison de style victorien, aux bow-windows et façades impeccables, est habitée par Emily et Rodney Harris, un couple d'anciens professeurs d'université, irréprochables de prime abord. Mais la disparition de la jeune Bonnie Dahl va soulever un drôle de mystère. La bibliothécaire n'est de loin pas la seule à avoir disparu dans les environs.
Les différentes facettes du mal
Ici, pas de massacre à la tronçonneuse ou de clown tueur caché dans des bouches d'égout. Une des forces du roman "Holly" de Stephen King réside dans le fait que les Harris sont un couple de retraités tout à fait banals. Ils gardent quelques mandats auprès de l'université, vont au bowling, organisent des fêtes.
Mais au fur et à mesure des pages, le vernis de bienséance s'efface pour faire place à des tueurs sans foi ni loi, calculateurs et prêts à tout pour éloigner le vieillissement et les douleurs de leurs corps respectifs. Une monstruosité distillée et évoquée avec beaucoup de finesse par Stephen King. A la lecture, on oscille entre fascination et dégoût.
Une anti-héroïne
Pour son héroïne principale, Stephen King n'a pas fait dans la demi-mesure. Holly toraille à tout va et fait ses prières chaque soir. Hypocondriaque et peu sûre d'elle, la quinquagénaire doit également faire face au décès de sa mère, une femme qui, toute sa vie durant, l'a étouffée avec ses injonctions et ses mensonges.
Heureusement qu'Holly peut compter sur l'aide de ses collègues et amis: Barbara et Jérôme Robinson. Un duo de frère et soeur afro-américains, humanistes et prodiges, aussi bons dans l'investigation que dans l'écriture. Jérôme est sur le point de publier un roman sur un grand-père gangster, alors que Barbara se lance dans un prestigieux concours de poésie.
Fracture de l'Amérique
Dans "Holly", Stephen King mêle donc l'enquête d'Holly et la percée littéraire de Barbara et Jérôme Robinson avec, en filigrane, une Amérique fracturée. Les visions pro-Trump, conservatrices et racistes sont régulièrement confrontées à celles des démocrates progressistes. Tout comme la pandémie de Covid-19 qui scinde la société en deux camps.
En grande hypocondriaque qu'elle est, Holly refuse de serrer les mains, se désinfecte à tout va, demande à chaque rencontre si la personne est vaccinée. Quant à la mort de sa mère, elle est due à sa non-vaccination. Une position assumée par l'écrivain américain, mais lourde à la lecture, par son côté moralisateur et répétitif au long des 500 pages.
Sarah Clément
Stephen King, "Holly", Albin Michel, février 2024.
A noter que l'émission Spectrum reviendra du 11 au 14 mars sur les débuts de la carrière de Stephen King à l'occasion des cinquante ans de la sortie de son roman "Carrie".