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Dans son "Eloge de la plage", Grégory Le Floch vogue entre paradis et enfer

Plage située au village de Monterosso al Mare, Cinque Terre, Italie (2015). [BRUNO MORANDI / ROBERT HARDING HERITAGE / ROBERTHARDING VIA AFP - AFP ]
Plage située au village de Monterosso al Mare, Cinque Terre, Italie (2015). [BRUNO MORANDI / ROBERT HARDING HERITAGE / ROBERTHARDING VIA AFP - AFP ]
Coquillages, bronzage et naufrages… Dans son dernier livre "Eloge de la plage", Grégory Le Floch brosse un portrait historique, sociologique et culturel de ce lieu unique né de l’imaginaire collectif. Une ode à un paradis en voie de disparition.

Longtemps perçue comme un lieu dangereux, où rodent les monstres et les maladies, la plage n’a pas toujours eu son côté "carte postale". Les premiers bains de mer apparaissent au milieu du XVIIIe siècle en Angleterre. A cette époque, ils sont réservés aux fous et aux névrosés, à des fins thérapeutiques. Viendront ensuite les aristocrates, puis le reste de la société jusqu’au fameux tourisme de masse que l’on retrouve chaque été sur certaines plages.

Un lieu de travail idéal

Grégory Le Floch a d’abord eu un rapport classique à la plage, il s’y baignait, mangeait et se promenait durant l’été. A côté de cela, l’auteur peinait à trouver le lieu idéal pour écrire ses romans. Appartement, cafés, transports, parcs, rien ne lui convenait. C’est durant l’été 2016 que le déclic se fait, sur une plage de Calabre en Italie.

A la plage, le temps disparaît, on regarde beaucoup moins sa montre. Il y a le rythme des vagues qui tapent comme des tambours. On est presque dans une transe chamanique. Petit-à-petit, on se dilue dans la plage et elle se dilue en nous.

Grégory Le Floch

La magie opère, la plage devient le "bureau" en plein air de Grégory Le Floch. Sa pratique d’écrivain et son amour du lieu le poussent à écrire son "Eloge de la plage".

>> A écouter: Grégory Le Floch s'exprime sur son dernier livre "Eloge de la Plage"

Grégory Le Floch, auteur de l'Eloge de la plage  [Christophe Idéal - DR]Christophe Idéal - DR
Entretien avec Grégory Le Floch, auteur de "Eloge de la plage", éd. Rivages. / QWERTZ / 23 min. / le 25 mai 2023

Des références multiplesEloge de la Plage de Grégory Le Floch - couverture [Rivages]Eloge de la Plage de Grégory Le Floch - couverture [Rivages]

Par rapport à la littérature existante sur le même sujet, Grégory Le Floch avoue qu’il souhaitait écrire un livre facile à lire sur la plage, inspiré de son ressenti et de ce qui l’a construit en tant que personne.

Ses innombrables références culturelles s’égrènent donc au fil des pages, pour le plus grand plaisir du lecteur. Grégory Le Floch convoque les paysages maritimes du peintre impressionniste Eugène Boudin, les films de Nanni Moretti, Marcel Proust, mais aussi Mylène Farmer et Shakira.

Des frontières qui s’effacent

La plage a fortement inspiré le monde des artistes. Elle s’est aussi rapidement imposée dans l’imaginaire collectif de toute la société et la ville de Los Angeles en est un parfait exemple.

Au début du XXe siècle, ses plages sont assez modestes. Situées à une trentaine de kilomètres du centre-ville, elles ne font "que" trente mètres de large. Autour de 1920-1930, les habitants ont une envie: celle de combiner travail et plaisir de la plage. Des millions de tonnes de sable sont acheminés pour étendre les plages à 200 mètres de large.

Venice Beach, Los AngelesVenice Beach, Los Angeles

Où commence et où finit la plage? N’y est-on pas encore un peu quand restent sur nos chevilles des bracelets de grains de sable, que l’on sent une croûte de sel sur nos bras et que notre ventre nu irradie toujours de la chaleur du soleil?

Extrait du livre "Eloge de la plage"

La plage transforme également les corps. Terminé le costume trois-pièces avec cravate intégrée. Pour réussir, il faut être bronzé, musclé, les cheveux blondis par le soleil. Le summer body s’exporte dans le monde entier, notamment grâce aux clips et à la fameuse série américaine "Alerte à Malibu". La plage grignote le monde et les esprits, affirme Grégory Le Floch.

Eloge funèbre

Au fur et à mesure des pages, les plages cristallines aux odeurs de crème solaire font place aux côtés plus sombres. Les mines installées sur les plages d’Odessa en Ukraine empêchent désormais trois millions de personnes de s’y baigner. La mer Méditerranée s’est transformée en cimetière pour les migrants en quête d’une vie meilleure.

Pendant ce temps, les plages s’érodent, le sable fuit. A cause des barrages hydroélectriques, de la montée des eaux, des tempêtes et du trafic de sable notamment. Dans son carnet de travail, Grégory Le Floch a compilé des chiffres qui font froid dans le dos: d’ici huitante ans, une plage sur deux sur la planète aura disparu. "Il y a deux siècles, les fous ont ouvert le bal des bains de mer, notre folie contemporaine y mettra bientôt fin", résume Grégory Le Floch.

Sarah Clément

Grégory Le Floch, "Eloge de la plage", éditions Rivages.

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