Nolwenn Le Blevennec questionne l’amitié, entre fusion et fissions

Armelle et Rim se connaissent depuis l’enfance, toutes deux partagent une famille dysfonctionnelle et des souvenirs forts. Anna, elle, débarque plus tard dans leur vie, par l’intermédiaire du travail. Les trois amies sont journalistes chez Arts, un magazine culturel.

Après avoir connu les affres de la maternité et le désir qui s’étiole, les presque quadragénaires décident de partir à Djerba, en Tunisie, pendant les vacances de Noël. Une parenthèse nécessaire, selon elles, pour se réapproprier leur corps et "replonger la tête tout entière dans la bassine d’eau amoureuse".

Des hommes au second plan

A Djerba, nos trois héroïnes se dégotent des amants: Raphaël, Adel et Manuel. Mais ces trois hommes ne vendent pas du rêve. Loin d’être des canons de beauté, ils sont aussi très égocentriques. Cela n’empêche pas les trois copines de s’y accrocher, parfois désespérément.

Pour Nolwenn Le Blevennec, leur rôle se résume à celui d’une "bouée de sauvetage": Armelle, Rim et Anna vivent une pure passion, chimique et éphémère.

J’avais envie de rire de ces histoires-là, parfois un peu grotesques et dans lesquelles certaines femmes foncent tête baissée. Je trouve que c’est une matière comique super forte.

En comparaison, les maris apparaissent comme des hommes progressistes. Non seulement ils gardent les enfants et assument le quotidien, mais ils acceptent aussi les "écarts" amoureux de leurs partenaires.

Ce type de comportement va d’ailleurs beaucoup questionner Armelle, la narratrice de l’histoire, qui se demande s’il faut prendre le risque de tout recommencer pour revivre le désir brûlant ou privilégier la profondeur d’une relation qui lui fait du bien.

Une amitié qui évolue

Si la Tunisie représente la symbiose entre les trois amies, ce n’est pas du tout le cas de la Bretagne. Trois ans après Djerba, la donne a complètement changé. Armelle, Rim et Anna ne sont plus dans la phase du "grand réveil" de leur corps et la passion physique laisse la place à la réalisation professionnelle.

Rim étudie le piano à haute dose, Anna se lance dans la psychanalyse et Armelle dans le cinéma. Et pourtant, leur amitié en prend un coup. Au lieu de s’admirer mutuellement, les remarques castratrices s’enchaînent. Et le clash survient lors d’un week-end sur une île bretonne éloignée de tout, au large de Morlaix. Rim découvre alors que son amie Armelle utilise ses traits de caractères et ses souvenirs d’enfance pour étoffer l’histoire de son scénario. La trahison est ultime.

Nolwenn le Blevennec avoue aussi s’inspirer de son vécu et de ses proches pour nourrir ses livres, tout en gardant une ligne de conduite.

Je fais attention et mes proches relisent avant la publication. Personnellement, je considère que cela ne vaut pas le coup d’écrire une histoire qui ferait de la peine à quelqu'un.

Une écriture en deux temps

Rédactrice en chef à l’Obs durant la semaine, Nolwenn Le Blevennec réserve ses samedis et ses dimanches matin à l’écriture: "Il y a beaucoup de négociations à faire, étant donné que j’ai deux garçons de huit et dix ans", avoue-t-elle.

L’autrice écrit ses premiers jets dans la cellule de nonne d’un ancien couvent de la Goutte d’Or, à Paris. Une fois les premiers morceaux esquissés, elle retravaille ses phrases sur son téléphone portable. La réécriture se fait au square, quand ses fils jouent au football, dans le métro ou dans la rue. A l’instar de son héroïne principale, Nolwenn Le Blevennec a autant besoin de l’isolement que du tourbillon de la vie pour écrire.

Sarah Clément/mh

^{Nolwenn Le Blevennec, "Les amies", éditions Gallimard.}

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