Avec "Film fantôme", Patrice Pluyette se fait tout un cinéma
C'est un best-seller du XVIe siècle qui a occupé Patrice Pluyette pendant les trois années qu'a duré l'écriture de son nouvel ouvrage. Après avoir revisité les genres littéraires sur un cycle de cinq romans, l'auteur français a gardé le plus difficile pour la fin: la réappropriation du roman de chevalerie, à travers l'un de ses ouvrages les plus célèbres: l'"Orlando Furioso", titan de quarante mille vers où chevaliers et chevalières tentent de se dépatouiller avec l'amour, les monstres, les Sarrasins, beaucoup de sang et surtout, la colère et la folie.
Pour donner du corps à cette réinterprétation, Patrice Pluyette a fait de ce Roland Furieux un projet de long métrage; un "film fantôme" dont le réalisateur, également narrateur, nous dévoile au fil des pages chaque scène, chaque plan, chaque coupe, avec leur lumière, leur musique. Tout est là, mais seulement, tout est dans sa tête. L'ambition du projet va alors se heurter à la réalité du tournage: acteurs catastrophiques, aléas météorologiques, grèves, coupes budgétaires, pressions et même, menaces de mort. La réalité est aussi rocambolesque que la fiction, et c'est là tout l'intérêt du roman.
Ce qui m'a motivé, c'était d'écrire un livre visuel et cinématographique. Et donc, je n'ai gardé des scènes du "Roland Furieux" que ce qui sautait aux yeux. Je voulais vraiment que lecteur voie cette histoire à travers le viseur de la caméra du narrateur.
On connaît la Chanson (de Roland)
Ainsi, dans ce film imaginaire, nous suivons deux récits. Le premier sous la forme d'une réécriture synthétique et libre de l'œuvre de L'Arioste où Roland, neveu de Charlemagne, est pris d'un accès de folie lorsqu'il réalise qu'Angélique, son grand amour, en aime un autre, sarrasin de surcroît.
Si dans le roman d'origine Roland sème la destruction sur son passage, dans l'adaptation de ce "film fantôme", la colère cède la place à la tristesse, plus réaliste, de l'homme éconduit. Le "Roland Furieux" devient ainsi un "Roland Malheureux", plus crédible, plus humain, et bien plus intéressant aux yeux de Patrice Pluyette.
Armures étincelantes et âmes cabossées
Le tournage du film constitue le second récit, en parallèle, de ce chemin de croix. Car, il faut bien le dire, le narrateur, auteur dilettante de bluettes à succès, se lance dans son premier projet à l'écran fort d'une expérience cinématographique proche du néant. Et le résultat final ne sera que la somme de déconfitures successives.
Pour autant, "Film fantôme" n'est pas juste un roman humoristique, puisqu'au fil des lignes, et des cadrages, ressortent les thématiques de la transformation, des rêves d'enfant et de la lumière, que l'on pourrait trouver en chaque chose: "Mon film - dit le narrateur - c'est un message réaliste sur la difficulté (et la nécessité) de rester idéaliste toute sa vie. Sur ce point, la fiction, et peut-être en particulier la poésie, aide à toujours espérer."
Ellen Ichters/ld
Patrice Pluyette, "Film fantôme", ed. du Seuil.
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