"Jusqu’au Prodige", échappée sylvestre sous l’Occupation signée Fanny Wallendorf

Thérèse court dans la forêt du Vercors pour échapper à son ravisseur, le Chasseur, qui la retient dans sa ferme où elle a pour tâche de nourrir ses trophées. Thérèse court pour rejoindre son frère, maquisard qu’elle aime plus que tout. Elle court pour survivre à la guerre qui dévaste tout, et s’incruste à jamais dans la chair et l’âme des êtres et des paysages qu’elle traverse.

Le Chasseur, lui, figure du mal, collectionne des spécimens d’animaux rares qu’il maintient en vie avec perversité. Parmi sa quête figure le Prodige, un renard noir mythique de la région.

La guerre va bientôt finir, mais ne serons-nous pas toujours dans son ventre, n’aurons-nous pas toujours son visage? Nous serons la guerre désormais.

Trois jours et trois nuits

Nous sommes en juillet 1944 et Fanny Wallendorf déroule son récit sur trois jours et trois nuits, au rythme des foulées et de l’état d’âme de son héroïne. Thérèse s’enfuit, quitte la ferme de Ségur et suit un itinéraire précis qui doit la conduire jusqu’au hameau de Valchevrière. C’est là qu’elle a rendez-vous avec son frère Jean, résistant qui a pris le maquis dans cette forteresse qu’est le Vercors, haut lieu de la résistance. Mais loin d’être un endroit sûr, le Vercors renferme une nature imprévisible, infestée, qui plus est, de soldats allemands.

Les outils, tels que le pistage des animaux, acquis au côté du Chasseur, permettent à Thérèse de poursuivre sa route dans ce cadre hostile et féroce où, tour à tour les prédateurs deviennent proies et les proies prédatrices. La perspective de retrouver son frère et les souvenirs vécus avec lui la transcendent et la poussent à avancer malgré le désespoir et l’épuisement. Les conseils de son père et de sa mère l’aident à affronter le danger imminent, alors que les mots qui surgissent des poèmes agissent tels des contre-feux pour la protéger.

J’attends que se coupe ma conscience. J’attends le contre-feu. J’attends le poème.

"Jusqu’au Prodige" est un récit court aussi rapide, intense et profond qu’une déflagration. D’une grande force et puissance, il recèle l’énergie de la vie qui bat aux moments les plus sombres de l’Histoire et de la noirceur humaine.

Céline O’Clin/aq

Fanny Wallendorf, "Jusqu’au Prodige", éditions Finitude.

Vous aimez lire? Abonnez-vous à QWERTZet recevez chaque vendredi cette newsletter consacrée à l'actualité du livre préparée par RTS Culture.