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"Le temps fuit", songe d'une nuit en librairie

Nathalie Wyss. [Brigitte Besson]
Entretien avec Nathalie Wyss, autrice de "Le temps fuit" (ed. Milan). / QWERTZ / 15 min. / le 7 décembre 2022
L'autrice jeunesse et libraire Nathalie Wyss choisit Romainmôtier (VD) comme décor pour faire naître une jolie histoire d'amitié faite de livres, de câpres et de (beaucoup de) chats.

"Tout Lu" est un lieu pas comme les autres: dans cette librairie du petit bourg médiéval de Romainmôtier, chaque livre vendu a été attentivement lu par Alec, propriétaire des lieux, vieil ermite un poil bougon et aux habitudes peu communes. Jugez plutôt: son antre, qui est également son domicile, est ouvert à toute heure du jour et de la nuit, sauf entre 2h et 4h du matin. Et c'est justement au petit gris, que Solange, petite vendeuse de câpres, fait tinter la clochette du magasin, en déclarant "répondre à l'annonce". Alec n'en croit pas ses yeux; à partir de là, sa vie va changer.

Un décor pittoresque

Place du village, abbatiale, clapotis du Nozon, gorges de l'Orbe, ou route de Praël; les lieux arpentés par Alec et Solange au fil des pages du roman sont réels, mais pas tout à fait conformes à la réalité; après tout, on est dans une fiction. Nathalie Wyss s'en saisit, les manipule et y installe ses propres personnages, dans un temps suspendu, quelque part entre Heidi et un roman de Dickens. La librairie, lieu central de l'histoire, est placée précisément là où l'autrice rêverait d'ouvrir un jour, pourquoi pas, la sienne.

Le choix de Romainmôtier a en particulier été déterminé par l'horloge de l'abbatiale, sur laquelle est écrit "Le temps fuit". Une phrase poétique qui m'a beaucoup touchée, et à partir de laquelle j'ai eu envie de construire mon récit.

Nathalie Wyss, autrice

La réalité pour mieux raconter

Partir d'un détail pour inventer son histoire. Une technique que pratique volontiers Nathalie Wyss: dans son précédent roman, "L'allumeur de réverbères" tout était né d'une simple illustration de ce métier d'autrefois. L'autrice avoue aussi aimer plus que tout les amitiés improbables, qui sont selon elle autant d'occasions d'aborder dans un ouvrage pour enfant des sujets difficiles comme la solitude ou la tristesse. Si "Monsieur Henri et l'éléphanteau" paru au printemps 2022, évoquait par exemple le drame des sans-abri, "Le temps fuit", laisse leur place au deuil, à l'orphelinat, à la vieillesse et aux troubles anxieux, mais nous apprend aussi qu'à tout moment, quelque chose de nouveau peut arriver.

Et comme on n'est jamais mieux servie que par soi-même, l'autrice a mis de sa propre personne dans ses deux protagonistes, à la fois si différents et si proches. "Avant d'avoir mes enfants, c'est vrai que j'avais, comme mon personnage Alec le libraire, ce sentiment de perdre mon temps quand je n'étais pas en train de lire. Et, moi aussi, comme lui, j'ai connu l'angoisse des contacts avec la foule."

Pareil pour la petite livreuse de câpres Solange, passionnée de livres et qui nourrit tous les chats du quartier: "Ma grand-mère a eu jusqu'à 72 chats et ma mère nourrit tous les chats du quartier; c'est un truc familial, s'amuse-t-elle, avant d'ajouter: Ah, et aussi, il y a les câpres. J'adore les câpres". C'est ça qui est beau dans la fiction: tout est possible, on peut même faire aimer les câpres aux enfants. 

Ellen Ichters/ld

Nathalie Wyss, "Le temps fuit", ed. Milan

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