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"Une chambre à air" de Naomi Cahen, journal intime avec pignon sur rue

Naomi Cahen. [Libre de droits - Benni Monni]
Quartier livre, le QCM de Naomi Cahen / Quartier livre / 2 min. / le 4 décembre 2022
Récit d’un voyage à vélo de Londres à Lausanne, "Une chambre à air", premier livre de Naomi Cahen, explore les chemins de l’intime à travers une narration joueuse, jalonnée de dessins, schémas, listes ou charades.

Le vélo, c’est écologique, économique et salutaire. C’est aussi le véhicule occasionnel de l’écriture littéraire. D’Alain Guiraudie à David Lopez, de Blaise Hofmann à Sylvain Tesson, nombre d’écrivains aiguisent leur scansion au rythme cyclique du pédalier.

Avec "Une chambre à air", récit en forme de journal intime, la Lausannoise Naomi Cahen raconte un voyage à vélo, de Londres à Lausanne. Trois semaines et quelque 1100 kilomètres de route avalés pour digérer deux chagrins d’amour et se refaire une santé. Identifiés par leur initiale B1 et B2, les deux ex de l’autrice hantent de manière très diverse le récit de ce périple modeste où la solitude, condition nécessaire de l’écriture, se gagne à la sueur de son front.

Virginia Woolf en embuscade

Comme pour Virginia Woolf, dont la "chambre à soi" se lit en filigrane de son titre, Naomi Cahen a cherché par le voyage, par l’extension de son monde personnel, un lieu propice à développer sa voix littéraire.

Il y a cette quête d’indépendance, en tant que femme. Et puis l’envie de projeter cet intérieur à l’air libre (...) J’aime l’idée d’étendre son chez soi. Où s’arrête le chez moi? A la porte de l’immeuble? Aux escaliers devant la porte? A la rue? A la ville?

Naomi Cahen

Graphiste indépendante, Naomi Cahen ne fait pas qu’écrire. Au fil de ce journal de bord, la main de l’autrice illustre, d’une élégante ligne claire, les questionnements qui la taraudent: quels habits choisir, comment composer le vélo de ses rêves ou cartographier ses ecchymoses de cycliste profane.

Petits apartés complices

Joueuse, l’écrivaine multiplie les pas de côté qui offrent à la lectrice, au lecteur, de petits apartés complices. Ici, une charade, une scène dialoguée. Là, un poème, composé à partir des noms de villages les plus improbables. Et partout, l’émergence d’une langue personnelle, croisant l’expressivité ramassée de la langue anglaise, sa deuxième culture, avec la prolixité du français.

2 novembre. Il est 6h14 du matin. Mes doigts sont mous. Rien n’est réveillé. L’orthographe et la grammaire me reviennent lentement. Peut-être qu’elles ne m’ont pas quittée, mais pendant la nuit elles se permettent des virées et laissent place à d’autres systèmes.

Naomi Cahen, "Une chambre à air"

Avec, à l’arrivée, la production d’un livre dont la liberté formelle, dont les jeux de lecture, épousent à merveille l’émancipation qu’il nous donne à lire. Voyage intime où le dehors et le dedans se talonnent, telle une cycliste en danseuse.

Nicolas Julliard/mh

Naomi Cahen, "Une chambre à air", ed. Slatkine.

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