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Avec "Biche", Mona Messine sonde les dynamiques de l'homme prédateur

L'écrivaine Mona Messine. [Stéphane MS Photographie]
Entretien avec Mona Messine, autrice de "Biche" / QWERTZ / 23 min. / le 27 septembre 2022
Mona Messine signe "Biche" aux éditions Livres Agités. Un premier roman où proies et prédateurs sont engagés dans une partie de chasse haletante, et qui laisse éclater au grand jour les rapports de force qui se jouent dans cette traque à l’issue fatale.

Gérald, archétype du chasseur tout puissant traque, lors d’une battue de groupe, le trophée des trophées, un cerf majestueux. Convaincu que son heure est venue, il ne se laissera pas voler la vedette.

C’est lors de cette partie de chasse qu’une biche et sa harde vont devoir quitter l’apparente paisible et bienveillante clairière pour espérer continuer à mener leur existence. Bien que soutenues et protégées par Alan, garde-chasse qui leur voue depuis son plus jeune âge une affection sans borne et a pour le monde animal un regard profond et sincère, les biches n’auront que peu de répit.

Allégorie des rapports de force

Premier roman de Mona Messine, "Biche", davantage que revisiter l’histoire de Bambi, est une allégorie des rapports de force qui ont cours dans nos sociétés, que la traque, la violence et le contrôle soient dirigés envers les femmes ou tout autre individu en situation de domination.

Si Gérald prend un réel plaisir à susciter l’effroi, c’est qu’il semble concrétiser ce que pensent les biches des humains: "ces animaux-là n’aimaient qu’une chose: le pouvoir". Ce que d’autres personnages tels que Basile, jeune garçon, appellent aussi de leurs vœux, alors que Linda frustrée de ne pouvoir endosser le rôle de chasseur à part entière est littéralement dévorée par cette même envie de cibler, viser, dénigrer et enfin donner la mort.

Les personnages de "Biche", tous animaux, ne nous trompons pas, qu’ils soient humains ou non-humains, évoluent dans un lieu et cadre de vie crucial qui fait figure de protagoniste principal: la forêt. Elle est la maîtresse, celle qui ordonnance le théâtre des actions et qui, au final, décide.

Après tout, il aimait profondément la forêt, et sa mission était de la protéger. Elle se montrait complexe et multiple, un être a mille têtes et plein d’ambiguïtés.

Mona Messine, "Biche"

Une lecture engagée et engageante

L’autrice, qui déploie un style à la fois poétique et tranchant, a écrit son roman assistée de son métronome. Une impulsion et une musicalité qui se ressentent, aussi bien qu’une personnalité et un tempérament que l’on se permet d’attribuer à Mona Messine, et qui ne laissent pas le choix à son lectorat en l’emportant dans une lecture à la fois engagée et engageante.

"Biche" peut être lu comme un conte écologique, ainsi que le présentent les éditions qui le publient, mais aussi rangé parmi les nouveaux narratifs dont nous avons toutes et tous, quelles que soient nos identités et singularités, urgemment besoin.

Céline O’Clin/aq

Mona Messine "Biche", éditions Livres Agités.

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