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Douglas Kennedy: "Dans l’âme américaine, il y a un aspect très théocratique"

Entretien avec l'écrivain américain Douglas Kennedy, à l'occasion de la sortie de son nouveau roman intitulé "Les hommes ont peur de la lumière".
Entretien avec l'écrivain américain Douglas Kennedy, à l'occasion de la sortie de son nouveau roman intitulé "Les hommes ont peur de la lumière". / 19h30 / 3 min. / le 23 juin 2022
L’écrivain américain Douglas Kennedy est un pourfendeur bien connu du puritanisme de son pays. Paru en mai chez Belfond, son dernier roman, "Les hommes ont peur de la lumière", raconte les déchirures des Etats-Unis. Il était l’invité du 19h30 jeudi.

L’intrigue du livre se déroule à Los Angeles, où une clinique est la cible d’une attaque à la bombe perpétrée par des intégristes "pro-life" (pour la vie), car l'avortement y est pratiqué. Douglas Kennedy, 67 ans, ne mâche pas ses mots à l'encontre du fondamentalisme religieux dans son pays. L'histoire des Etats-Unis a commencé avec les puritains du XVIIe siècle, rappelle-t-il. "Franchement, ils étaient les talibans de l’époque", lance en français celui qui partage son temps entre Paris, Londres, Berlin et sa maison dans le Maine.

>> Le portrait de Douglas Kennedy dans le 19h30 :

Portrait du romancier américain Douglas Kennedy, qui explore la face sombre des États-Unis.
Portrait du romancier américain Douglas Kennedy, qui explore la face sombre des États-Unis. / 19h30 / 1 min. / le 23 juin 2022

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Actuellement, cette caractéristique s’incarnerait dans la volonté de la Cour suprême, composée majoritairement de juges conservateurs, de revenir sur le droit à l’avortement.

"Cet été, avant août j’imagine, ce sera illégal", avance le romancier, dénonçant un objectif clairement fixé du Parti républicain et des évangélistes. Il redoute également une interdiction de la contraception.

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Ubérisation de la société

Outre cette "guerre culturelle" autour de l’avortement, une autre thématique abordée dans le nouveau roman de l'auteur à succès est l’ubérisation de la société.

L’idée d’aborder ce sujet lui est venue à la suite d’une conversation à Los Angeles avec un chauffeur Uber, qui lui raconte: "J’ai été licencié il y a quelques semaines. J’ai 57 ans. Quelles sont mes options, monsieur, dans notre société? Amazon ou Uber…"

L’écrivain lui répond du tac au tac: "Donnez-moi votre 06 [l’équivalent français de "natel", ndlr]. J’écris des romans. Je vais acheter deux heures de votre temps demain." Après sa discussion avec le chauffeur, Douglas Kennedy se dit "absolument choqué par le système". Brendan, le narrateur de son roman, sera ainsi un chauffeur Uber de 56 ans.

On est très fragile maintenant.

Douglas Kennedy

Division culturelle, précarisation de l'emploi: l'auteur de 25 romans n’est pas tendre envers les Etats-Unis, un pays qu'il "adore", mais qui présente une société "complètement schizophrène", dont il craint qu’elle ne retombe dans la guerre de sécession. La situation actuelle, un "moment hyper tendu", prend sa source dans un manque d’investissement dans "l’infrastructure humaine, surtout l’éducation", analyse Douglas Kennedy.

"Et le gouffre est immense. Il y a deux Amériques, et l’une d’elles chasse l’autre", déplore-t-il.

Propos recueillis par Philippe Revaz

Texte web: Antoine Michel

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