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"La patience du serpent", l'ailleurs idéalisé par Anne Brécart

L'auteure Anne Brécart. [Editions Zoé - Romain Guélat]
L’invitée du 12h30 - Anne Brécart, auteure genevoise qui publie "La patience du serpent" / L'invité du 12h30 / 6 min. / le 9 septembre 2021
L'autrice genevoise Anne Brécart publie un nouveau roman. Racontant l'histoire d'une famille de surfeurs nomade, "La patience du serpent" interroge les raisons qui nous poussent à quitter nos racines pour aller s'établir ailleurs.

Sur le papier, c’est une vie qui fait rêver: sillonner le monde à bord d’un bus-camping avec son ou sa conjoint-e et ses enfants, les vacances éternelles, surfant là où le vent nous porte. C’est la vie de nomades qu’ont choisi de mener Christelle et Greg avec leurs deux petits garçons. Une vie pas si heureuse qu’Anne Brécart raconte dans "La patience du serpent".

Anne Brécart, "La Patience du Serpent". [Editions Zoé]
Anne Brécart, "La Patience du Serpent". [Editions Zoé]

Pour sa trame, l’autrice s’est inspirée de deux situations diamétralement opposées: celle de sa fille, partie joyeusement faire le tour du monde avec son compagnon, et celle d’un réfugié kurde, avec lequel elle s’est entretenue pendant une année. "Il m’a expliqué comment c’était de partir, l’exil, la fuite, la difficulté à trouver ses marques en Suisse." Ces deux manières de quitter son pays pour s'établir ailleurs, l’une avec enthousiasme et l’autre à contrecœur, interrogent Anne Brécart, qui décide d’en faire le sujet d'un roman.

Un idéal fantasmé

Alors qu’ils arrivent à San Tiburcio au Mexique, une femme du village vient hanter Greg et Christelle. Nommée Ana Maria Engel Cristobal, elle observe et dévisage Christelle sans relâche. Cette dernière ressemble en effet à sa grand-mère. "Elle pense que Christelle et sa grand-mère sont la même personne", explique Anne Brécart. "Elle souhaite l’attirer chez elle pour distraire son frère, qui est très difficile à vivre."

Christelle va accepter de jouer le jeu. Elle discute avec le frère d’Ana Maria qui rêve d’une Europe fantasmée qui n’existe plus. Une Europe que son grand-père avait quittée pour fuir le nazisme. Cette relation étrange va-t-elle nuire à Christelle et à sa famille?

Des personnages en décalage

"Pour moi, ce personnage est un vrai malheureux", explique l’autrice. "Le roman l’annonce dès le début: il va mourir. Il n’a jamais trouvé ses marques dans son village, et il se sent en décalage. D’ailleurs, tous les personnages sont décalés: ils ne sont pas vraiment là où ils devraient être."

Suite au drame, Christelle et sa famille quittent le village. Ils ne rentrent pas en Suisse, mais tentent de rejoindre un lieu plus paisible où ils pourront s’installer pour de bon et construire leur maison de leurs propres mains. Mais qu’est-ce qui les pousse à partir au bout du monde pour reproduire ce qu’ils pourraient avoir dans leur pays d’origine? "L’ailleurs, explique Anne Brécart, c’est cette chose qui se dresse devant soi, qu’on a envie de rejoindre et qu’on peut fantasmer parce que justement, elle n’est pas là. C’est un désir très puissant."

Parfois, on a besoin d’imaginer un ailleurs qui n’existe pas.

Anne Brécart

Les néo-romantiques

Tel est le destin de Christelle et Greg: la quête d’une chose inexistante. "C’est une vision des choses très romantique: on ne veut pas de ce monde anxiogène et matérialiste, et on se projette vers un ailleurs qu’on veut rejoindre absolument. Je trouve ce mouvement d’espoir magnifique, même s’il est difficile. Pour moi, ces néo-nomades sont des néo-romantiques."

Quant à Anne Brécart, elle avoue ne pas être nomade physiquement, mais être "très nomade dans la tête. Je me nomadise quand j'écris: je cherche des choses qui n’existent pas encore!"

Propos recueillis par Coralie Claude

Adaptation web: Myriam Semaani

Anne Brécart, "La patience du serpent", éditions Zoé.

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