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Le romancier Philippe Djian se projette dans un avenir brûlant

L'écrivain Philippe Djian. [AFP - Gabriel Bouys]
Entretien avec Philippe Djian, auteur du roman "2030" / QWERTZ / 28 min. / le 6 octobre 2020
L'auteur d'"Impardonnables plonge les personnages de "2030", son nouveau roman, dans un monde rendu fou par le réchauffement climatique. Un récit d'anticipation de Philippe Djian aux ressorts inattendus.

On ne l'attendait pas forcément dans un récit d'anticipation. Et pourtant, Philippe Djian s'y est glissé avec aisance, tout en restant lui-même. On retrouve dans ce nouveau livre ce qui est la marque de fabrique du romancier: des personnages à vif  - un narrateur torturé, un beau-frère insupportable, des femmes incompréhensibles, des ados fascinants, une famille où se sont accumulés les secrets et les morts. Un paysage - un quartier de villas au bord d'un lac, une ville provinciale. Et surtout une intrigue dont on devine peu à peu les ressorts inattendus. Mais ici, tout se déroule en 2030, sous un soleil impitoyable.

Ce qui est intéressant, c'est que Djian fait du dérèglement climatique autant un sujet qu'un élément narratif. La chaleur implacable rend ses personnages hystériques, aussi l'ambiance de ce roman est encore plus électrique qu'elle ne l'était dans les précédents.

Inspiré par Greta Thunberg

Lorsqu'on l'interroge sur l'origine de ce texte, l'auteur raconte qu'elle réside dans sa découverte du combat de Greta Thunberg. La jeune militante écologiste l'a ému par sa détermination. Le résultat, c'est un texte où des industriels malhonnêtes mettant sur le marché des produits dangereux sont confrontés à des activistes. Et c'est probablement le livre le plus engagé que Philippe Djian ait signé.

Bien des choses s’étaient détraquées depuis l’époque où la jeune femme portait encore des nattes. Pas simplement le climat. Les gens. L’humeur des gens avait changé, les gens étaient désabusés, frustrés. Certains partaient vivre au milieu du désert, d’autres abattaient leurs semblables.

Extrait de "2030" de Philippe Djian

Le style Djian

Reste que Djian, c'est avant tout un style, un rythme. Une phrase débarrassée du superflu, des guillemets comme des points d'interrogation, qui l'ennuient. Lors de son premier passage chez Pivot, en 1984 pour la sortie de "Zone érogène", l'un de ses premiers romans, il clamait déjà sa haine du point-virgule. Il n'a depuis pas arrêté de chercher la tonalité juste, faite de rapidité, d'ellipses, de dialogues où le.la lecteur.trice entre par surprise, et cette écriture mise au point livre après livre est aussi identifiable qu'un genre musical.

Si on ne veut pas que le français devienne une langue morte, il faut que les écrivains s’en occupent.

Philippe Djian

On retrouve en outre ici la condition humaine telle que le romancier la voit depuis toujours. L'incompréhension et l'incommunicabilité sont au cœur des relations entre les hommes et les femmes, mais surtout une violence sauvage et incontrôlable envahit les pages. Elle est tapie derrière les pelouses calmes des banlieues vertes que Djian investit, car il sait installer le chaos dans un quotidien banal, entraîner dans des aventures pas possibles des gens qui n'y étaient pas préparés.

Mais avec le temps, peut-être qu'une tonalité encore plus désespérée colore ses livres. Il confie: "Quand j'avais trente ans, j'étais plus impulsif. J'en ai soixante-et-onze. Peut-être que mes personnages sont plus torturés aujourd'hui".

Sylvie Tanette/aq

Philippe Djian. "2030", Ed. Flammarion.

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