Reporter au long cours, Gérard A. Jaeger livre ses mémoires océaniques

En coédition avec les éditions de L’Aire, la revue Sept Info publie les mémoires de l’historien, journaliste et reporter fribourgeois Gérard A. Jaeger, spécialiste des biographies insolites et de la marine. Car depuis l’enfance, dans les années 60, le grand large ne l’a plus quitté, entre embruns et octroi, ce droit de passage qu’il s’autorise plus intimement dans cet ouvrage.

Une carte au tableau noir

Les pieds sur terre, Gérard Jaeger n’en a pas moins connu une sorte de révélation devant la carte du monde au tableau noir de son enfance fribourgeoise. Le bleu des "Sept Mers" l’a irrésistiblement attiré sans qu’il ne puisse naviguer avant plusieurs années. Grâce à sa thèse de doctorat en histoire maritime, le novice se jeta à l’eau en éclusant des archives méconnues, car les "gens de mer" n’ont guère laissé de traces de leurs aventures ou forfaitures.

Dorénavant je serai l’acteur de ma prose. Je mettrai dans mes livres la vérité qui bat en brèche les hypothèses et les approximations. J’avais embarqué pour m’instruire et j’apprendrai à souffrir jusqu’à la résilience.

Une image du livre "Octroi de mer" de Gérard A. Jaeger. [Béatrice Alvergne - Editions de l’Aire]

Le Belem chez un brocanteur

Ses recherches le menèrent au début des années 70 à Saint-Malo, point de départ des grandes pêches et de la navigation commerciale. Il y trouva chez un brocanteur la maquette défraîchie du Belem, un trois-mâts de charge qui convoyait le cacao puis devint navire de plaisance du duc de Wesminster avant de reprendre du service des décennies plus tard en bateau-école de la marine nationale française.

A son bord, l’universitaire fut initié à la dure en mousse puis en "écrivain du journal". Les embruns, le grand large firent le reste en lui donnant le pied marin et le goût des enquêtes sur ces "gens de mer dont Platon disait qu’ils formaient une humanité à part, à côté des morts et des vivants. Il en fit le cœur de sa thèse de doctorat publiée intégralement en 1987 avec les encouragements du professeur Yves Giraud, de l’université de Fribourg, "Pirates, flibustiers, et corsaires: histoires et légendes d’une société d’exception" avant de se spécialiser en profondeur dans cet univers maritime où les femmes ont également joué leur rôle.

En travaillant sur cette société marginale de marins interlopes, tant aimée du public, il paraît que j’avais ouvert une boîte de Pandore jusque-là réduite au silence et dont les conséquences allaient prendre des proportions insoupçonnées: la traduction d’un goût de l’évasion qui nous pousse à sortir de notre réserve, la mise en exergue d’une révolte contre l’ordre établi… 

Retour au port fribourgeois

Queen Victoria. [Béatrice Alvergne - Editions de l’Aire]Devenu tant historien de la marine et de ses naufrages comme celui du Titanic, que reporter au long cours, notamment pour le magazine Sept Info, l’historien a embarqué le 9 janvier 2019 avec son épouse à bord du luxueux Queen Victoria de la fameuse Cunard Line fondée en 1840 pour une circumnavigation de 107 jours en 33 escales et 25 pays. "Octroi de mer" y déroule le "journal de bord" où les nombreuses digressions, parfois surprenantes, retracent la vie de cet aventurier plus intellectuel que téméraire, comme il le confesse lui-même à l’approche de la septantaine.

"Ce tour du monde que je regardais comme un remède à mes questionnements se révèle être une assurance, un chèque en blanc pour l’éternité que je signe en confiance."

Après avoir durant cinquante ans d’écriture trempé sa plume dans l’eau salée, Gérard Jaeger accepte un retour au port montreusien, à l’abri des coups de tabac.

Christian Ciocca/aq

^{Gérard A. Jaeger, "Octroi de mer", Sept Info/L’Aire, 2020}

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