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Les écrits intimes du designer italien Ettore Sottsass publiés en français

Le designer italien Ettore Sottsass. [éditions Herodios - Santi Caleca]
Ettore Sottsass : "Ecrit la nuit. Le livre interdit." / Vertigo / 7 min. / le 1 juin 2020
Publié pour la première fois en français, "Ecrit la nuit. Le livre interdit" constitue le journal intime du designer italien Ettore Sottsass qui y dévoile ses amours.

C'est un livre qui n'a été publié jusqu'ici qu'en langue italienne. Un journal intime signé de la main de l'un des plus grands designers italiens, Ettore Sottsass. Esprit libre et frondeur, intellectuel engagé dès les années 1950, né au tournant du 20e siècle et mort au début du 21e, Sottsass est à l'origine (entre autres) du groupe "Memphis" de Milan qui, dans les années 1980, a révolutionné l'univers du design mondial.

En 2010, trois ans après la mort de cet artiste iconoclaste et touche-à-tout, l'éditeur italien Adelphi publie "Scritto di notte" ("Ecrit la nuit"), les écrits intimes et posthumes de Sottsass dans lesquels celui-ci raconte le déroulement de son destin hors du commun à travers le 20e siècle. Il y dévoile aussi sa vie intérieure, peuplée d'ambiguïté et de nostalgie.

Dix ans plus tard, c'est à une nouvelle maison d'éditions lausannoise, Herodios, et à la détermination de l'écrivain et éditeur Samuel Brussell, son cofondateur, que l'on doit enfin la traduction en français d'une partie de cet ouvrage paru sous le titre "Ecrit la nuit. Le livre interdit".

>> A écouter: L'entretien avec Samuel Brussell, écrivain et conseiller littéraire qui a proposé ce texte à la toute nouvelle maison d'éditions lausannoise Herodios :

L'écrivain Samuel Brussell. [AFP - Ulf Andersen]AFP - Ulf Andersen
Entretien avec Samuel Brussell à propos des mémoires de Ettore Sottsass "Ecris la nuit. Le livre interdit" / QWERTZ / 17 min. / le 2 juin 2020

Un sens aigu de la description

Et ce "Livre interdit", traduit par Béatrice Dunner, est sans doute la partie la plus privée de ces mémoires. Puisqu'Ettore Sottsass y raconte les femmes, ses femmes. Son épouse d'alors, l'intellectuelle et écrivaine Fernanda Pivano. Et ses maîtresses, la très jeune Catalane Cleide, puis la solaire Barbara Radice, tout aussi jeune mais qui, elle, l'accompagnera - le guidera - jusqu'à la fin de sa vie.

Ici, Ettore Sottsass dit les "bras minces d'Indienne" de l'une, le "nez Renaissance" de l'autre, s'émeut devant une "chevelure noire et dure" ou contemple le "soleil de juin qui ruisselle" sur le corps mince et beau de celle qu'il aime à cet instant-là et qui s'est assise sur le rebord de la fenêtre de l'atelier de l'architecte Vittorio Gregotti.

Ce qui frappe dans ce livre, dans ce fragment de journal intime, c'est d'abord la qualité de la plume, le sens aigu de la description dont fait preuve cet homme reconnu dans le monde entier pour ses multiples talents de designer, d'artisan et d'architecte visionnaire. Mais dont on ne connaissait pas le talent d'écrivain, ni son art du récit intime, qui touche au cœur et devient, par là, universel et bouleversant.

Un rapport au monde qui émerveille

Si les amours et ses déchirures sont au cœur du présent ouvrage, c'est le rapport au monde qu'entretient Ettore Sottsass qui émerveille. Car l'homme au succès colossal est un intranquille qui n'aime rien tant que l'ambiguïté, le désordre et l'ailleurs. Dans sa vie privée comme dans son travail. Quitte à bousculer l'"establishment professionnel milanais" qui se montrera "furieux et scandalisé" le jour de la première exposition du groupe de designers "Memphis" en 1981, de peur qu'il "foute la pagaille". Pour le plus grand plaisir d'Ettore Sottsass.

Moi j'aime les gens qui ne sont pas sûrs d'eux, les perplexes, les modestes, ceux qui essayent de comprendre, et qui restent toujours dans l'état d'esprit de celui qui n'a pas compris. J'aime bien les gens qui ont peur.

Ettore Sottsass, "Ecrit la nuit. Le livre interdit".

Ettore Sottsass, qui est appelé dans le monde entier - de la Californie "cette banlieue permanente" à l'Inde et "ses nuits veloutées", un pays où "le métier de designer semble assez dérisoire" -, n'aime rien tant que "la pénombre lumineuse et pathétique propre à l'été méditerranéen, dont on porte toute sa vie la nostalgie".

Une fois de retour sur le sol milanais, l'Italien reconnaît que la modernité de son pays reste aussi précaire "qu'une mince pellicule adhésive". Un constat loin de le désoler: "ce qui m'intéresse, ce n'est pas tant la culture que son absence", conclut-il avec malice.

Linn Levy/aq

"Ecrit la nuit. Le livre interdit", Ettore Sottsass, Editions Herodios.

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