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Gérard Bauër, un dandy des lettres chez les Romands

La couverture du livre "Gérard Bauër – Carnets d'un voyageur traqué (1942-1944)". [Éditions Georg, 2020]
Gérard Bauër, un dandy des lettres chez les Romands / Musique Matin / 6 min. / le 9 avril 2020
Les éditions Georg viennent d'exhumer la figure du chroniqueur littéraire Gérard Bauër (1888-1967), Français réfugié en Suisse durant la Deuxième Guerre mondiale, dans un ouvrage illustré augmenté de son Journal de guerre.

Spécialiste de Maurice Chappaz et Corinna Bille, Pierre-François Mettan s'est plongé dans la vie mouvementée d'un illustre inconnu: Gérard Bauër. En séjour à Montana-Crans, ce journaliste mondain devint malgré lui diariste de 1942 à 1944. L'exilé parisien a révélé au jour le jour ses angoisses face au conflit mondial et ses nombreuses rencontres avec les milieux culturels romands. Une manne retrouvée grâce à un de ses descendants à Sion qui nous fait revivre par le quotidien le parcours d'un "voyageur traqué".

Chroniqueur, fils de chroniqueur

La généalogie ne détermine pas le destin, mais tout de même, elle a marqué la carrière de Gérard Bauër, un nom aujourd'hui bien oublié des lettres françaises. Son père, Henri Bauër, fut l'enfant naturel d'Alexandre Dumas père et prit le nom de sa mère juive.

Communard, déporté en Guyane puis réhabilité, il devint l'un des meilleurs critiques dramatiques parisiens au tournant du XXe siècle et sa liaison avec Sarah Bernhardt l'introduisit dans le Tout-Paris de la Belle-Époque.

Époque bleue

L'enfance de son fils Gérard n'a pourtant pas bénéficié de cette gaieté parisienne. Pauvre, il a dû gagner sa vie dès quinze ans et entra comme localier à L'Aurore, tenu par Clemenceau, en 1905, à dix-huit ans. C'est la violence au quotidien qui l'a détourné du journalisme pour lui préférer la critique littéraire.

Sur les traces de son père, Gérard Bauër fréquenta le monde des lettres et fut vite reconnu comme excellent chroniqueur dans L'Écho de Paris puis, dès 1934, dans Le Figaro sous le pseudonyme de Guermantes. Était-ce pour effacer son ascendance juive au temps du déchaînement antisémite qui culminera sous l'Occupation? Contraint par les lois anti-juives de s'exiler en Suisse, il séjourna de janvier 1942 à l'été 1944 à Crans-Montana où sa belle-famille possédait une maison.

>> A écouter, un entretien avec Pierre-François Mettan, éditeur des carnets de Gérard Bauër :

Pierre-François Mettan, éditeur des carnets de Gérard Bauër. [DR]DR
Entretien avec Pierre-François Mettan, éditeur des carnets de Gérard Bauër / QWERTZ / 35 min. / le 8 avril 2020

Une voix de Radio-Lausanne

Par ses relations avec le milieu culturel romand, écrivains, peintres, éditeurs ou journalistes, Gérard Bauër a pu chroniquer sur les ondes de Radio-Lausanne en défendant ce qu'il connaissait le mieux, les écrivains du XIXe siècle comme Baudelaire, son modèle de dandy, Stendhal, mais aussi Shakespeare ou Ibsen. Galérien des lettres, écrivant au jour le jour durant des heures, il a rejoint en 1948 l'Académie Goncourt, prenant facilement parti pour les jeunes auteurs comme Butor ou Gracq. De plus, à la tête de la Société des Gens de Lettres, il défendit les droits d'auteurs et se préoccupa avec succès d'accorder aux écrivains modestes une caisse de pension.

Une figure attachante, brillante à bien des égards qu'il vaut la peine de redécouvrir grâce à cette excellente mise en perspective de Pierre-François Mettan.

Christian Ciocca/ld

Pierre-François Mettan, "Gérard Bauër – Carnets d'un voyageur traqué (1942-1944)", vol. illustré, Éditions Georg, 2020.

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