Le sumo, c’est cette particularité japonaise, cette lutte entourée de rites et de traditions séculaires, ses Bibendums agiles et puissants. Dans "Sumographie", ce sport est expliqué par les textes de l'autrice Sonia Déchamps et les illustrations de David Prudhomme.
Mais pourquoi l’illustrateur a-t-il décidé de dessiner des sumotoris? "Par curiosité, je suis allé voir un tournoi de sumo et un entraînement. J’ai trouvé intéressant de dessiner les corps et de voir ce que cela pouvait donner en dessins, représenter des chocs, des chutes, la plasticité, la souplesse. C’est devenu un sujet plastique", explique-t-il.
Cette passion aboutit à une exposition en 2013, lors du festival "Regard9" à Bordeaux. C’est le contenu de cette exposition qui se retrouve entre les pages de "Sumographie". L’éditrice, Clotilde Vu, rend le travail de David Prudhomme avec soin. Il ne se contente pas de dessiner: le choix du papier, du format des illustrations et de la variété des techniques sont réfléchis. Le livre lui-même surprend: on déplie les pages, on scrute les détails, on soulève parfois délicatement le papier fragile qui contraste avec la solidité des lutteurs.
Décaler le regard
En dessinant les sumotoris avec finesse, David Prudhomme montre une tendresse pour le disgracieux. "Ce n’est pas les canons habituels de la beauté qui m’intéressent. On aurait tendance à dénigrer ces lutteurs parce que leurs corps sont difformes. Ce qui m’intéresse, c’est d’aller au-delà des a priori; décaler le regard en dessinant, en accordant du soin et de l’attention à des choses qui ont tendance à être négligées."
Décaler le regard, c’est aussi donner du sens à son trait. David Prudhomme fonctionne lentement, en redessinant chaque ligne encore et encore jusqu'à ce qu'il la connaisse par cœur. Cette idée lui est venue en visitant des grottes ornées préhistoriques. "J’ai vu des dos de bisons où le mouvement que fait l’œil pour suivre la ligne exprime quelque chose de très différent d’autres types de dessins. On comprend qu'une ligne est une émotion et un discours. A partir de ce moment-là, si on écoute ce qu'elle nous dit, si on voit ce que nous dit la ligne, alors on lui répond. C’est un dialogue permanent d’une ligne à l’autre, entre les différentes parties du dessin."
Propos recueillis par Didier Charlet
Adaptation web: ms
"Sumographie", David Prudhomme et Sonia Déchamps, Editions Soleil.