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Le style percutant du Valaisan Yves Gaudin a fait mouche jusqu'à Paris

L'écrivain Yves Gaudin. [©Leextra/Éditions Héloïse d'Ormesson - ©Philippe Matsas]
L'invité: Yves Gaudin "Triple meurtre et vieille maman" / Vertigo / 41 min. / le 3 février 2020
Avec son deuxième roman "En vérité", publié par la prestigieuse maison d'édition française Héloïse d'Ormesson, l'auteur valaisan Yves Gaudin embarque son lecteur dans une réflexion sur la condition humaine. Et ça plaît.

Musicien professionnel, docteur en psychopathologie clinique et musicothérapeute, Yves Gaudin ne se prédestinait pas à l'écriture. C'est en Australie, où il a vécu quelques années, qu'il se lance dans son premier roman. "Je ne parlais pas très bien anglais, j'avais le temps" raconte celui qui avait quitté la Suisse pour suivre sa compagne journaliste.

"Trop tard pour mourir" paraît en 2015. Il publie dans la foulée sa thèse de doctorat sur la musicothérapie et l'autisme, une nouvelle, un poème symphonique et une pièce de théâtre, avant de débuter l'écriture de son deuxième roman.

Polar ou roman d'amour?

Publié en janvier aux éditions Héloïse d'Ormesson, "En vérité" est un roman court, dense et nerveux qui questionne la condition humaine. On y fait la connaissance d'Emile Blanchard, un vieux flic dépressif qui se retrouve face à un triple meurtre sordide. Une affaire qui l'amène à enquêter au sein d'un laboratoire de biologie qui étudie le prolongement de la vie. L'enquêteur finira par perdre pied et par commettre l'irréparable.

C'est féroce, cynique et très noir. Et pourtant, son auteur est loin de placer son roman dans le genre du polar. "Je ne l'ai pas écrit dans l'intention d'en faire un polar. Ce n'est pas un roman noir, c'est la vie qui est noire" commente-t-il. Et va même plus loin en plaçant son roman du côté de la pulsion de vie.

Pour moi, "En vérité" est plutôt un roman d'amour, de bienveillance et d'émerveillement.

Yves Gaudin, écrivain

Un oubli qui aurait pu être fatal

Etre publié par les éditions Héloïse d'Ormesson, maison parisienne qui reçoit plusieurs milliers de manuscrits par année et qui n'en publie qu'une vingtaine, est une "joie immense". Mais ce rêve aurait aussi bien pu ne pas se concrétiser. "Lorsque j'ai envoyé mon manuscrit, j'ai oublié de mettre mon adresse e-mail" confesse-t-il.

Bien décidée à publier le roman du Valaisan, la maison d'édition mettra plusieurs semaines à le retrouver en lui écrivant tout d'abord sur une adresse e-mail repérée sur internet que l'auteur ne consulte plus. Finalement, c'est par un courrier postal classique que le message parviendra à son destinataire.

Un style atypique et percutant

Mais qu'est-ce qui a fait la différence entre son manuscrit et ces milliers d'autres qui sont rejetés? Certainement le style atypique et percutant de cet auteur qui assure avoir travaillé 8 heures par jour durant deux ans et demi pour écrire son livre qui ne compte pourtant que 176 pages. "Je peux passer des jours et des nuits sur une phrase" avoue-t-il. "Je me relis à haute voix et je m'enregistre pour entendre ce que l'écoute me procure comme sonorités".

Le pire de la vie, ça finit toujours dans un commissariat. C'est écrit. On a beau y mettre des lumières tamisées, des guirlandes à Noël ou des fleurs dans l'allée, ça ne change rien, c'est moche comme du vomi de femme saoule.

Extrait de "En vérité" d'Yves Gaudin

On se rappelle alors qu'Yves Gaudin est musicologue et trompettiste. C'est avec son oreille de musicien qu'il a imaginé la structure de son roman "en forme de sonate", le rythme des phrases et le choix des mots. Il évoque une autre piste pour expliquer son style si personnel: "Je n'ai pas fait le collège et je n'ai donc pas bénéficié de tout ce qu'on y apprend comme la philosophie ou la littérature". N'ayant pas de modèle et ne subissant aucune influence littéraire, Yves Gaudin dit se sentir plus libre.

Des critiques conquis

Couverture du livre "En vérité" d'Yves Gaudin. [Editions Héloïse d'Ormesson]
Couverture du livre "En vérité" d'Yves Gaudin. [Editions Héloïse d'Ormesson]

L'autodidacte est pourtant placé dans l'héritage de Frédéric Dard, voire affublé de l'adjectif "célinien". Et les critiques d'encenser ce roman si particulier. On parle d'un livre qui "fait l'effet d'une bombe grâce au style ciselé", d'un auteur qui "bouscule, dérange les habitudes et déstabilise le lecteur avant d'emporter l'adhésion haut la main" ou encore d'un "ambitieux roman noir plus qu'intéressant et assez époustouflant, dans le fond et dans la forme".

Pour le journal français Le Point "Le roman sur l'amour et la mort, de ce Suisse du Valais inconnu chez nous, est court, différent, percutant. Plein de petites phrases tombées du ciel, que l'on griffonne sur un coin de carnet comme des maximes pour plus tard".

Des louanges qui ont de quoi réjouir et encourager celui qui est invité en avril à la prestigieuse manifestation lyonnaise que sont les Quais du polar, et qui s'attèle déjà à son troisième roman.

Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert

Texte et adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente

Yves Gaudin, "En vérité", éditions Héloïse d'Ormesson

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